Lieu : Bataclan (Paris)
Date : 18 octobre 2010
Pour assister au nouveau live de Trentemoller, c’est tout un Paris branchouille et plutôt trentenaire qui s’agglutine devant le Bataclan. Avec son dernier album, Into The Great Wide Yonder (chroniqué ici), le Danois avait surpris ses fans en empruntant de sombres voies rock, et le rendu de ce bijou en concert promettait d’être ébouriffant.
On pénètre dans la salle, que l’on devine bientôt retournée, alors que des drones et des volutes acres émanent de la scène. Il s’agit de la première partie du groupe danois Chimes & Bells, réduit ici à un couple, qui livre une sorte de blues glacial, piqué de cold-wave et d’ambient. La voix impressionnante de Caecilie Trier et le mysticisme opiacé qui se dégage des percussions et des lentes mélodies vous noient instantanément dans une brume crépusculaire. Voilà un groupe qui n’aurait pas fait tâche au sein de la compilation Harbour Boat Trips de Trentemoller. Après un final des plus noisy, sur fond de crissements industriels, l’excellent duo se retire, tandis que l’attente commence à se faire sentir.
Lorsque la lumière s’éteint, c’est pour voir s’élever de curieux murs de rubans, entourant la scène à la manière d’une cage de chatterton. Une mise en scène sacrément organique qui tranche avec les visuels numériques qui peuplent habituellement les concerts électro. Acclamé comme un pape, le dandy frangé se montre enfin, et démarre sur des chapeaux de roue par un The Mash And The Fury incandescent. La suite développera des aspects rock, progressif et haletant, des phases brutes de techno racée, et des influences d’électronica et de cold-wave. Au guitariste et au prodigieux batteur initiaux, viennent s’ajouter trois sublimes brunes, une bassiste et les chanteuses Mary Fisker et Josephine Philip. La soudure qui semble émaner du groupe, l’humilité de Trentemoller parmi ses musiciens, et leur plaisir visible d’être là, contribuera beaucoup à transcender le concert. Le public, quant à lui, est dès les premières minutes tout acquis à leur noble cause. Sur le surexcité Silver Surfer Ghost Rider Go !!!, l’auditoire claquera des mains à s’en faire rougir les paumes.
Durant deux heures, l’atmosphère survoltée ne faiblira pas. La dimension noise de Into The Great Wide Yonder prend ici toute sa consistance. Les textures sont écorchées, les crissements de guitare pleuvent, les montées mélodiques tournoient, vous pénétrant par tous les pores, et la vivacité de la batterie tambourine au sein même de la cage thoracique. Chaque titre provoquant une tension violemment réjouissante, je me surpris à lâcher un long soupir à la fin de presque chaque morceau, et il me sembla afficher un visage crispé durant l’intégralité de la prestation. La puissance retenue et la fabuleuse intensité dégagée par les versions live des morceaux du sorcier danois enveloppent la foule dans une euphorie exaltée, teintée d'une certaine noirceur et d’un romantisme fougueux. Quant aux prestations des deux chanteuses, toutes de paillettes et de cuir blanc vêtues, elles apportent leur quotient de sensualité et d’émotion, essentiels aux très beaux Sycamore Feeling et Even Though You’re With Another Girl. Après un rappel prévisible mais apocalyptique sur Moan, Anders et sa troupe saluent bien bas et disparaissent. Bien trop tôt.
Même si le constat paraissait prévisible, comment ne pas sortir scié d’un tel live ? Les jambes et le dos fourbus, le boulevard Voltaire semble un trop brusque retour à la réalité. Trentemoller ne manque pas à sa réputation de génie des machines comme de l’instrumentation, et ses représentations sont de celles à valoir d’être vécues.
par Manolito