Sortie : novembre 2010
Label : Tympanik Audio
Genre : IDM
Note : 8/10
Tapage est un des membres de la sainte trinité actuelle de l'IDM, en compagnie d'Access To Arasaka et Hecq. Autant inspiré par l'IDM de Gridlock que par le post-rock de Godspeed You! Black Emperor, le Néerlandais Tijs Ham sévit sur Tympanik où il a déjà sorti deux albums. Qui peut oublier son chef d'oeuvre Fallen Clouds sorti l'année dernière (ici). Féru de programmation, on peut même parler de sorcier des softwares face à son niveau de maîtrise (plus particulièrement avec Super Collider). Etched in Salt est en fait un album réalisé à deux esprits et quatre mains puisque Tapage est cette fois-ci accompagné de Meander, aka Ophidian. Leur collaboration devrait légitimement donner naissance à une des oeuvres majeures de cette année.
Dès l'ouverture sur l'excellent California Blue, le ton est donné. Même si on s'aperçoit rapidement que ce qui résulte de cette union est assez différent de ce qu'ils produisent quand ils officient en solo. Si les beatmakers les plus talentueux s'efforcent régulièrement d'explorer l'hyper-espace où la matrice mécanique, Tapage & Meander semblent se lancer ici dans une immersion vers les abysses marins. Pour contraster avec ces divines textures et ces pads sub-aquatiques, quoi de mieux que de transformer le beat en sous-munitions rouillées dont les déflagrations libèrent les trésors du monde de Poseidon. Loin de se limiter à une béate contemplation des fonds, les péripéties de nos deux scaphandriers décrivent des contes chimériques parfois presque enfantins. La frénésie rythmique (tout est relatif) témoigne de poursuites et de jeux en compagnie de la faune locale. Malgré l'harmonie apparente, le beat semble travaillé à l'infini, torturé même par tant de mutations. N'est ce pas lui qu'on entend hurler et se recroqueviller comme un foetus face à une mort inéluctable sur le terrible Oceanographic ? Si l'ambiance se fait plus tendue et plus angoissante à l'écoute du non moins exceptionnel Nectocalyx Barrage, que les poissons, les hippocampes et les tortues de mer semblent fuir l'arrivée du mazout déversé par un pétrolier voguant sous l'étendard de Total, rassurons nous, la marée noire n'aura pas lieu cette fois-ci. L'espoir et le maintien de la vie sont évoqués lors de l'onirique Osedax, creusant le sillon d'une harmonieuse et bien sentie issue downtempo (Abyssal Plain et Delicate Hydroid). Ah oui, il y a aussi des robots autonomes dans cet océan là.
Bien évidemment, certains auraient souhaité que les eaux soient un peu plus souillées par une quelconque mixture organique noirâtre, conçue de rouille, d'essence et de merde. Il y a toujours des aigris. Je me contenterais de questionner l'apport de synthés un rien kitsch (Tolopea, Attola Wyvillei), n'étant qu'un aigri à mi-temps. Car soyons clair, cet album est un cru exceptionnel. A l'écoute de monuments comme The Tide, Hydrostatic Skeleton ou Plankton, on connaît un certain Richard D. James qui ferait bien de sortir de son tank et de se remettre au travail.
Tapage confirme tout le bien qu'on pensait de lui depuis longtemps. Va falloir maintenant se plonger sur Meander. Etched In Salt est bien un des albums les plus réussis et, plus rare, un des plus cohérent de cette année. La Sainte Trinité a encore de beaux jours devant elle. Merci messieurs.
par Ed Loxapac