Sortie : septembre 2012
Label : Home Normal
Genre : Drone, Ambient
Note : 8,5/10
Faire l'éloge du label Home Normal et de son propriétaire Ian Hawgood, est cette année presque devenu un réflexe. Pas seulement parce que je serais bien tenté de n'écouter que ce qu'y sort de ses portes lointaines. Mais surtout parce que chaque release est résolument différente, bien que très souvent marquée de cette même empreinte contemplative propice à l'abandon sans boussole. Vous ne serez donc pas étonnés de retrouver très bientôt et ailleurs, une chronique tout aussi élogieuse du nouvel album du canadien Nicolas Bernier. Pour ce qui est de l'esthète du jour, disons simplement que Tobias Hellkvist a juste sorti en 2010 une des plus remarquables réalisations du label, avec son acclamé et lumineusement organique Evolutions (encore achetable pour quelques temps chez Norman Records, pour la somme symbolique de 1,5 euros...). Inutile donc de préciser que Everything Is Connected est attendu comme un album majeur. Ce qu'il est, sans la moindre contestation possible.
On ne mesure jamais assez le travail en amont que nécessite un album pareil. Pour ce qui est de la composition pure bien sûr, mais aussi en matière de post-production. Probablement parce que cette musique si difficile à si bien faire est une référence en matière d'objet d'écoute domestique. Parce que de ces collages de drones de cordes, mêlés à des textures nobles issues du laptop, naît un ensemble sensible et fragile qui ne doit en aucun cas être intellectualisé avec excès.
Qui n'a jamais rêvé de remonter le fil du temps pour toiser sa propre vie avec un oeil nouveau, scrutateur mais jamais critique. Qui ne souhaite pas revenir au fil d'origine qui engendra les noeuds, tout en acceptant que ce qui a vécu était voué par définition à mourir. La nostalgie n'est-elle pas la version romantique et pleine de recul du spleen ? Le suédois semble porter un oeil réaliste mais plein d'affection sur le temps qui passe. Semant de nouvelles graines prometteuses sur des bribes de dépression saisonnière, pour célébrer l'oraison funèbre de l'automne en attendant l'hiver.
Cette musique définitivement picturale semble avoir un effet même sur la vision. Les yeux littéralement écarquillés, l'auditeur se laisse happer par les accélérations et les ralentis du défilé. Il y a même à plusieurs moments cette impression singulière, que les titres sont joués et écoutables à l'envers. De quoi renouer avec l'idée éventuelle autour de la faille temporelle. Mais tout ceci n'est qu'amas de suppositions, plutôt malvenu quand on a parlé plus haut de bannir l'intellectualisation.
Tobias Hellkvist est un alchimiste de la texture et du sentiment, transformant les masses nébuleuses du Fjälbacka d'ouverture en un concentré translucide et régénérant. Il amplifie chaque détail diaphane d'un spectre mystérieux, manipulant les volumes pour mieux remplir nos poumons de cette ère solaire. Jusqu'à ce que exsangue mais obsédant, un beat ne vienne tout modifier sur l'exceptionnel Christmas Rat. Quelle (agréable) surprise de retrouver un schéma 4/4 sur pareils trajets. Que dans pareille ossature où tout est si bien connecté, émerge un substrat de souffle retrouvé.
Album qui enchantera les amateurs de drone contemplatif, Everything is Connected s'élève comme un feu de paille dans les coeurs des âmes profanes, pour qu'à l'orée de chaque bataille son encre de chine frappe aux organes.
par Ed Loxapac