Sortie : 14 septembre 2010
Label : Tympanik Audio
Genre : Ambient, Glitch, IDM froide et évocatrice
Note : 8/10
Dirk Geiger nous vient de Rottenburg, en Allemagne. Il fonde dans sa jeunesse le groupe Kraftmaschine, toujours en activité, et monte son propre label, Raumklang Music, en 2002. Il sort sur celui-ci un premier album Dondukov 15, il y a de ça deux ans. Aujourd’hui c’est Tympanik Audio, ponte en matière d’électronique avant-gardiste, qui lui ouvre ses portes, pour un deuxième album au nom plus qu’évocateur d’Autumn Fields.
Ambient, glitch et field recordings sont les maîtres mots de ce glorieux pèlerinage. Autumn Fields vous drape à la manière un brouillard crépitant et nuageux, et laisse entrevoir des visions de champs ruisselants, de végétation noire et de ciel délavé par l’ondée. Notre homme use d’enregistrements capturés en extérieur comme de parties intégrantes à sa musique. Il n’y a de meilleure preuve que ce Gewitterregen d’ouverture, durant lequel tombent l’orage et les gouttes de piano. Minimaliste et éloquente de tristesse, rythmée par les grondements du tonnerre, cette pièce prend instantanément à la gorge, et vous laisse vous interroger sur la profondeur de ce dans quoi vous venez de plonger. La suite est brodée de rythmiques épurées, de souffles venteux et de drones déroutants, que le glitch, omniprésent, érafle avec ce qu’il faut de froideur. La dimension émotionnelle de Autumn Fields a tout de l’abyme. Chaque titre respire la détresse apaisée, distillant autant de mélancolie fauve qu’un automne diluvien. Le disque se voit parfois habité d’un esprit plus urbain, meublant le calme du bruit de machines et d’inconnus parcourant des rues austères. Une fois n’est pas coutume, cafardeux et plombant sont ici des éloges.
Le divin Winter Senses s’impose comme un sommet vertigineux de l’album. Trésor d’IDM minutieuse et délicate, ses arpèges semblent s’élever vers des cimes vierges de regard humain. Mais que dire du prodigieux Autumn Life… si ce n’est que le ressac synthétique, les lointaines clameurs d’enfants, et la beauté ingénue de la mélodie en font un bijou d’ambient qui s’étend sur plus de 9 minutes, grenues et éthérées. De même, Overhead Projection, Itch Glitch ou le plus expérimental Noise Format (spectaculaire vidéo ici), nous maintiennent la tête immergée dans un bouillon flou que l’on ne souhaite plus quitter. Pourtant le disque tire sur sa fin, et le magistral coup de rideau est tiré par Svart1 et par Access To Arasaka, qui prêtent leurs relectures respectives à Night In Haskovo et Overhead Projection. Deep et bruissant, pour le premier, Robert Lioy dresse sur le second de lentes et sublimes montagnes sonores. On finit béat.
Voici un album qui tranche avec les sorties habituelles de Tympanik. Davantage orienté vers l’IDM infectée et dévastatrice, le label de Chicago ne s’est pas mépris en signant cet Allemand. Autumn Fields est un puits sans fond d’émotion pure. IDM, ambient et glitch on rarement connu si belle union.
par Manolito