Sortie : novembre 2010
Label : Hymen Records
Genre : IDM
Note : 8/10
Que sait-on du Suisse Jérémie Wenger, aka Abs6 ? Tout d'abord qu'il traîne ses guêtres au sein du collectif Piouk! avec Monsieur Connard, qu'il sévit dans la D&B bien sombre et le breakcore sous son avatar Gerbem. Son premier album, Audiomedikation, avait d'abord confidentiellement vu le jour en 2008 avec un contenu un peu différent en Cdr sur le label Audioactivity. Le légendaire label allemand Hymen Records publie cet album sous une forme et un contenu bien plus abouti et moins artisanal. Voilà qui devrait lui procurer une toute autre visibilité. Comme il l'indique lui même dans sa biographie synthétique, Abs6 est le point d'intersection de plusieurs segments et d'horizons, concentré de tableaux mouvants vers des directions toujours surprenantes.
Bien que définitivement orienté vers l'IDM et les mécanismes industriels, Audiomedikation jouit d'une inexplicable et indescriptible idéologie hip-hop. Surtout en ce qui concerne les orientations jamais répétitives des rythmiques et de la fracture du beat. Sévèrement inspiré des travaux au synthé et du sentiment permanent de fausse piste des premiers albums d'Autechre, certaines oreilles averties peuvent effectivement songer aux regrettés premiers travaux de Venetian Snares, plus particulièrement dans les constructions rythmiques. Le travail d'Abs6 est néanmoins rafraîchissant et original. Son concept de thérapie sonique n'est pas du tout usurpé, surtout à l'écoute des excellents Diagnostik, Premiers Traitements, Reforme Alimentaire et Douce Trépanation. Encore faut-il admettre qu'une thérapie puisse être menée sereinement à coup de neuroleptiques, de benzodiazépines et entre les quatre murs d'une cellule capitonnée. Car même si cet album n'est pas destiné aux seuls psychotiques en cours de décompensation, la dimension hermétique d'un hôpital aux méthodes plus que rigides est assez palpable. Tout ce qui se cantonne à cette IDM intelligente (mais pas plus complexe que ça) est habilement maîtrisé aussi bien techniquement que dans la conception mélodique. On peut même parler de tour de force ou de démonstration assez impressionnante pour un premier album. Les théories sur les effets de régulation du transit intestinal par les lignes de basse laissent plus dubitatif. Pas sur le plan médical mais plutôt sur le contenu. On trouve sur ce morceau ainsi que sur Dazing Therapy et Dancing Mass Index un côté putassier et salacement technoïde que notre cher Vitalic n'atteindra jamais, mais qui peine à séduire ceux qui demandent à la musique plus que des ronflements vaguement hédonistes. Par contre, la collaboration D&B radioactive de clôture en compagnie de Monsieur Connard, Maybe It's Genetic, est à saluer des deux mains.
Audiomedikation est un excellent et prometteur album dont on pardonne les quelques fautes de goût. Si il ne confond pas variété et dispersion, il y a fort à parier qu'Abs6 refasse parler de lui au coeur d'une scène parfois trop autiste pour pleinement emporter l'adhésion.
par Ed Loxapac