Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Présentation

  • : Chroniques électroniques - Chroniques de disques, de concerts, de festivals, de soirées de musiques électroniques, rap et bien d'autres...
  • : Au confluent des musiques électroniques, du rap et des autres styles, ce blog, ouvert et curieux. Chroniques de l'actualité des sorties IDM, électronica, ambient, techno, house, dubstep, rap et bien d'autres encore...
  • Contact

Recherche

Archives

Catégories

27 août 2012 1 27 /08 /août /2012 23:44

Sortie : août 2012

Label : Don't Cry Recordings

Genre : Jazz, Soul, R&B

Note : 8/10

 

Emmenée par le batteur virtuose Jamire Williams, la formation Erimaj connaît une certaine émulation depuis que le NY Times et d'autres organes de presse (généralistes comme spécialistes) ont salué avec fracas la richesse des compositions. Déjà sorti et acclamé l'année dernière, le single Conflict Of A Man a même été ajouté à la compilation inspirée Digging the Blogosphere. Un premier format court avait vu le jour en 2010 dans un questionnant silence (Memo To All). Confidentialité dont la coulissante formation new yorkaise ne pourra pas cette fois-ci profiter. Même si nous ne sommes pas coutumiers du jazz, aussi hybride soit-il, on ne va pas se priver de donner notre avis. Surtout à l'heure où Chroniques Electroniques connaît ses derniers soubresauts, avant que ne vous soit proposé un peu plus loin, un contenu toujours aussi fouisseur même si plus généraliste (ici). Parlons donc de cet excellent album avant que tous les autres n'en fassent leurs choux gras.

 

L'album fera sûrement hurler les puristes du jazz, et c'est tant mieux. Avant tout parce qu'il ne saurait se satisfaire de la certes très noble étiquette. Le son d'Erimaj se nourrit du meilleure de la musique noire américaine, plus pour rendre un hommage vibrant à la négritude que pour sonner réellement moderne. Et donc ne pas forcément réjouir ceux qui squattent devant MTV et Trace TV. Moderne ? Elle l'est, sans la moindre hésitation. La production est juste totalement implacable. Mais la spontanéité et la ferveur du jeu renvoie aux heures les plus roots des jams sessions qui sentaient bon la sueur, le sang et les larmes de studios enfumés et mal éclairés. Même si la tessiture très très haute et criarde de Chris Turner fait parfois évoluer l'ensemble dans des ambiances un peu plus électroniques, heureusement plus sexy et moites que complètement sirupeuses, la formation a puisé son essence dans la folie d'ovnis musicaux aussi adulés que crédibles comme Demon Fuzz ou Screamin' Jay Hawkins. Les amateurs de comparaisons plus scolaires, plus jazz et donc plus significatives, ne pourront qu'entrevoir les profondes influences de maîtres tels que Art Blackey et Herbie Hancock. Même si la corrélation vaut surtout pour les échappées plus modernes du dernier cité.

Dire que Jamire Williams a du bras et du groove est un doux euphémisme. Même si le génial batteur intervient ici en leader jamais martial, la place qu'il laisse aux géniales divagations des autres intervenants est assez exceptionnelle. Surtout quand on sait que le jazz n'est pas le premier terreau de l'humilité. Le gars a surtout compris que ses complices étaient loin d'être des noobs, même pour ce qui est des modulations un peu expérimentales et électroniques posées surtout sur les basses et les claviers. Le plus impressionnant réside dans la couleur et les contrastes apportés par les différents instruments. La parcimonie des cuivres de John Ellis d'abord, le jeu sur-vitaminé et peu orthodoxe du génial guitariste Matthew Stevens, mais surtout l'oscillation permanente de Jason Moran entre l'électricité du Fender et les textures plus classiques du piano. Voilà qui sans être probablement la volonté première, résonne comme un hommage moderne et libre à l'héritage des big bands d'antan et surtout à certains aspects (pas tous donc) de la révolution hard bop.

Pour adhérer à ce personnel et peut-être excessif constat, il ne faudra pas tomber en premier lieu sur les titres chantés, ou ceux dont Radio Nova n'a visiblement retenu que les aspects les plus "chill". Il faudra plonger oreilles grandes ouvertes dans les fresques et grandes réussites que sont les excellents et sinueux Unrest et Black Super Hero Theme Song, le rondement psychédélique Plants, le sens inné du groove lover d'un Conflict Of Man, qui n'a pas pris une ride et n'aurait rien à envier aux premiers travaux d'Amp Fiddler. Et ces foutues trois dernières minutes de Choosing Sides, où le saxophone et le piano se tirent la bourre comme jamais pour échapper aux contre-temps de la batterie et à la nappe cuivrée. Exceptionnel.

 

Conflict Of Man est une bien jolie friandise pour les oreilles, déployant un imposant arsenal technique et technologique. Il faudra malgré tout veiller à ne pas se laisser happer par ses parties les plus onctueuses, tendant ouvertement vers un R&B pas toujours du meilleur goût. Il y a largement de quoi faire ailleurs. Un disque recommandé, qui ne devrait pas tarder à faire grand bruit tant il est rassembleur.

 

http://static.boomkat.com/images/595832/333.jpg

par Ed Loxapac

Partager cet article
Repost0
27 août 2012 1 27 /08 /août /2012 09:52

Sortie : 27 Août 2012

Label : Soma

Genre : Dub-techno

Note : 7/10

 

Rod Modell, l’homme derrière Deepchord, devrait savoir que la lenteur d’exécution est l’apanage des grands producteurs de dub-techno. Lui qui depuis plus de 10 ans travaille méthodiquement ses créations, a donc décidé de passer la vitesse supérieure. Lui qui avait sorti 3 albums durant les 00’s, signe, avec Sommer, son troisième album en 3 ans. Merde mec, tu fais une belle connerie là ! Déjà l’an dernier avec ton Hash-Bar Loops, tu avais commencé à nous saouler par trop de paresse (chronique ici).

Sommer est pourtant loin d’être un album raté. Fidèle à une approche très teutonne du dub (l’axe Basic Channel), Deepchord poursuit sa quête d’une dub-techno éthérée et blanche. Le principe est toujours le même et répond à un triple agencement systématique : une rythmique techno étouffé et renforcée par des échos, un arrière-plan se composant de douces rafales et un enrobage à base de field-recording. Alors oui, c’est joli comme tout et le rendu sonore est remarquable de précision, mais cela ne suffit pas pour autant.

Ecouter Sommer d’une traite revient à traverser une zone pavillonnaire d’une métropole occidentale quelconque. Au début, on trouve ça joli, mais au bout de 5 minutes on s’emmerde à force de répétitivité aseptisé et de trop plein sécuritaire. Avec Sommer, l’impression d’écouter inlassablement le même morceau se fait malheureusement ressentir. On touche là le fond du problème de la musique de Deepchord : la discrétion. Et c’est là que le paradoxe est entier. En effet, la dub-techno de notre serviteur n’a jamais eu pour but de nous réveiller mais plutôt de nous maintenir sous une certaine léthargie. Et c’est clair que le bougre y arrive, mais l’aspect trop monocorde de Sommer ne peut nous empêcher de trouver l’album chiant.

Dans ce cas, était-il nécessaire de sortir aussi rapidement un nouvel album ? N’aurait-il pas fallu attendre davantage pour réussir à créer un nouvel univers ? Car là aussi, la redondance est de mise. Sommer n’est qu’une pâle copie de Hash-Bar Loops, qui lui-même tentait de retrouver les néons fantasmés de Luimin (sorti sous le nom de Deepchord presents Echospace). On a l’impression que le père Modell a du mal à se renouveler où alors tente-t-il simplement de pousser son concept de manipulation de l’espace à outrance, en jouant sur les textures, les éléments rythmiques et les élucubrations électro-acoustiques. Dans ce cas, il risque bien de perdre ses auditeurs par trop d’opacité.

Cependant, une porte d’entrée acceptable existe. Pour cela, il faut écouter Sommer avec recul, le casque bien calé sur les oreilles et en déambulant négligemment dans la rue. C’est ici, et seulement ici, que la dub-techno de Deepchord arrive à nous stimuler avec douceur. Pris dans un mouvement circulaire infini, vous finissez vous aussi par disparaître de la circulation, prenant l’allure d’un spectre. L’expérience devient alors immersive.

Mais en dehors de cette parenthèse urbaine, il faut se rendre à l’évidence, Deepchord commence sérieusement à nous ennuyer et c’est bien dommage étant donné la qualité sonore indéniable de ses créations.

 

http://extramusicnew.files.wordpress.com/2012/06/deepchord-sommer.jpg

 

par B2B

Partager cet article
Repost0
25 août 2012 6 25 /08 /août /2012 15:25

Sortie : août 2012

Label : Tympanik Audio

Genre : Electronica, Glitch, Symphonie synthétique

Note : 8/10

 

L'ukrainien Andriy Symonovych, aka r.roo est salué depuis l'année dernière par tout un pan de la musique électronique, qui navigue entre  free releases de netlabels tels que Abstrakt Reflections et Someone Records. Et des maisons références, comme Tympanik et le jeune Raumklang (label de Dirk Geiger). Tout le monde s'accorde sur le fait qu'il est dans le style, l'un des plus talentueux et prometteur compositeur de sa génération. Avant tout parce qu'il dépasse allègrement les limites des genres et s'éloigne donc des gratuites complexifications geekées d'une certaine frange consanguine IDM, qui peine plus que jamais en 2012 à se renouveler. Après trois albums de grande qualité et pléthore d'apparitions sur des compilations ambitieuses, le label chicagoan Tympanik de Paul Nielsen lui ouvre enfin ses portes.

 

Abordons si vous le voulez bien en (long) préambule le cas de Tympanik Audio, label qui fait parler beaucoup de gens aujourd'hui, tant en France qu'à l'étranger. C'est pas trop dans nos habitudes d'aboyer au milieu de la meute, mais ce n'est pas uniquement pour cette raison que vous ne trouvez cette année aucune chronique estampillée Tympanik dans nos lignes. On ne rappellera donc pas qui avait eu la bonne idée de mettre en avant dès 2009, des chefs d'oeuvres du genre comme Epiphora de SE, Fallen Clouds de Tapage ou encore le premier album (Oppidan) d'un certain Access To Arasaka. Tout ça pour dire que quand on a tant aimé et tant mis en avant un label, on peut se permettre d'être un minimum critique et de prendre un tout petit peu de recul sur quatre années d'aventures électroniques. Parce que taper sur un label indépendant dirigé par un passionné relève de la pure infamie, je me contenterais de dire que les releases de cette année (et de la fin de la précédente) m'en ont secoué une sans faire bouger l'autre. Loin de moi l'idée de blâmer qui que ce soit, plus particulièrement à l'heure où se posent les questions d'identité artistique et d'éventuel renouveau. Le souci de ne pas heurter la fan base est certes pragmatique sur le plan économique, mais est plus problématique quand elle fait passer le label à côté de réussites absolues tel que le très expérimental et pharaonique Psychexcess de Frank Riggio.

Mais bien loin de ces considérations très personnelles, une nouvelle bien réelle et définitivement triste est tombée avant la sortie des dernières releases. Tympanik renonce, pour un temps ou pour toujours (on en sait rien), au format physique. Alors chers lecteurs, ne vous laissez pas compromettre par ceux qui voudraient nous faire croire que ça ne change rien sur le fond, et que par extension le digital représente l'avenir. Les vrais observateurs savent ce que cela veut dire. Jetons alors l'opprobre sur les milliers de fans que compte Tympanik en ses rangs, qui adulent le label sans lui avoir jamais donné un centime. On abordera même pas le cas de ceux qui organisent le leakage des albums qu'ils adorent, dans leur idée que ce qui circule sur Internet n'a pas de propriétaire ni de créateur. Elle est belle la révolution virtuelle, sans la moindre propriété intellectuelle. Toujours est-il qu'il est tout bonnement injuste qu'un label tel que Tympanik peine à vendre les 500 exemplaires qu'il presse. Lecteurs responsables, fans de musiques et fervents défenseurs de l'objet phonographique, donnez du pognon aux artistes et aux labels que vous aimez si vous voulez qu'ils survivent. Merci à François Bayrou pour l'inspiration.

 

L'ukrainien livre ici son album probablement le plus abouti et le plus riche. Avant tout parce que les orchestrations et la production au sens large, n'ont jamais été aussi poussées. Je n'ai pas de doutes sur les talents de pianiste de r.roo, je regrette simplement que tous ses ornements instrumentaux et classiques se voient parés de textures strictement synthétiques. Mais parce que les saveurs sont bien moins plastifiées que par le passé, on pardonnera plus que facilement ce fait établi. Car r.roo est un esthète, qui patine sur les couches glacées et lisses d'une étendue triste et romantique sans jamais la faire céder aux habiles sirènes de la dépression. Sans sombrer dans un versant émotionnel sirupeux et déjà trop entendu. Il a compris que le trop est l'ennemi du juste, que les rythmiques n'ont pas besoin de s'enfermer dans la forteresse inaccessible de la complexité pour répondre comme il se doit à ses arabesques et cavalcades pianistiques. Ses simples accords mineurs s'accouplent parfaitement à la spontanéité virevoltante des violons et aux furtives émanations lyriques. Medlenno et Oktrovenie s'avancent donc comme les plus beaux titres dans le style. Empreints d'une richesse et d'un esthétisme très original. Le glitch et le beat, sont certes en retrait par rapport aux oeuvres passées mais trouvent une place essentielle dans une toile plus musicale que technique. Les glissements de terrains, qu'on préférera baptiser de fugaces transitions, font évoluer le thème général et les systèmes rythmiques, passant allégrement de l'intraçable (l'excellent Ostuplenie) au plus binaire (Au fall). Cette démarche peut même se révéler anarchique et alternative, dans un sérail IDM qui compte bien plus de règles et de conventions qu'on voudrait le croire, surtout sur le plan des sources de conception et de la rythmique en général.

Des titres comme On the Other Side Of The Glass ou From You forment un peu le ventre mou de l'opus, même si le piano est toujours aussi simplement bouleversant. On leur préférera le libre et transi Hello My Reflection, malgré certaines invitations à la kitscherie. Pareil pour le plus cristallin et contemplatif Don't Talk About It. Je passerais par contre mon tour sur One Day, où les vocalises digitales présentes me font penser à l'inéluctable déboulé d'un hologramme entonnant une énième version re-visitée de Prince Igor (dédicace à Sissel, même sans Warren G). On pourra donc regretter que certains titres n'aient pas été rempaclés par des trucs un peu plus débridés. Comme sur Thank You un peu, mais surtout comme la ligne de basse venue d'ailleurs et le tassement de beat progressif du très très bon We Will Never See How People. Même le déchirant Vydokh de fermeture ne parviendra pas à détacher l'auditeur de Ostuplenie, vraie surprise de l'album dont l'approche expérimentale et sauvageonne mériterait d'être plus poussée à l'avenir. Les interférences, les signaux de détresse en amont de déflagrations de bruits blancs ouvrent magnifiquement la voie à ces beats et glitchs claudiquant, et à cette nouvelle révélation de classiques beautés.

 

r.roo signe ici la meilleure release de Tympanik cette année. Cet insatiable travailleur doit malgré tout veiller à ne pas trop en faire et donc à ne pas s'éparpiller. Si il veut continuer à susciter l'intérêt qu'il mérite. Gare au syndrome Pleq d'il y a quelques années, heureusement transcendé par de nouvelles directions salvatrices (toujours aussi nombreuses néanmoins). L'ukrainien se démarque de ses congénères en livrant une partie plus musicale et personnelle que jamais. Qu'un tel album ne bénéficie pas d'une sortie physique est bien là le seul regret. Recommandé donc, malgré tout.

 

http://nothingbuthopeandpassion.com/wordpress/wp-content/uploads/2012/08/rroo-mgnovenie-300x300.jpeg

par Ed Loxapac

Partager cet article
Repost0
20 août 2012 1 20 /08 /août /2012 22:44

Sortie : juin 2012

Label : 3rd Lab

Genre : Rap français

Note : 7,5/10

 

Dooz Kawa est originaire de Strasbourg. Sa passion pour le rap, français et américain, est née dans les années 90. Elle chienne, putain de mélodie sans cesse dans sa tête... L'époque bénie pour ainsi dire, qui a donné à beaucoup de jeunes l'envie de griffonner des pages de bloc-notes dans leurs chambres. Il crée très jeune le collectif T-Kaï Cee, avec qui il acquit une certaine reconnaissance locale. Il publie en 2010 son premier et très prometteur premier album, Etoiles du sol, où il laisse apparaître son amour profond pour les musiques d'Europe de l'Est, plus particulièrement le jazz manouche. Il rencontre d'ailleurs trois figures du genre, et pas seulement locales, qui collaboreront à ce premier opus. Bireli Lagrene, Mito Loeffler et Mandino Reinhardt. Des grosses pointures qui ont su aussi se faire un prenom. En dehors du rafraîchissant et excellent titre qui donne son nom à l'oeuvre (ici), on aura retenu l'hommage peu camouflé à l'intouchable Charlie Parker, mais aussi Narcozic et Balalaïka. Les métaphores décalées et plus que poétiques de Dooz Kawa, ainsi que son style en dehors de tout cliché, m'avaient déjà impressionné à l'époque de Conte cruel de la jeunesse (ici) et les titres précédemment cités. La sortie d'un nouvel album a donc encore un peu plus attisé la curiosité que je nourrissais à l'égard de ce MC atypique.

 

La poésie décalée de Dooz Kawa s'est assombrie. Ceci sûrement dû à une trop longue contemplation de l'éternité, vers le port du Rhin et l'aérodrome du polygone au Neuhof, entre tours de béton, chemins de traverse et caravanes. Pourtant, le strasbourgeois d'adoption semble avoir mieux que quiconque compris qu'un album est plus la saisie d'une période ou d'un instant, qu'un discours indéboulonnable. Jamais il ne sombre dans de faux aspects militants ou une fantasmée vie de thug. Pourquoi l'état nous violerait-il puisqu'il peut nous baiser ? Phase simple et efficace sur le très bon titre d'ouverture, qui sait que la punchline ne fabrique pas toujours de poète. Raconter son vrai quotidien ou l'évaporation des rêves en fumée est un poil plus compliqué qu'un scénario gangstero-gaucho compatible. Surtout à l'heure du capitalisme roi dans le rap, et des artistes virtuels qui vivent au nombre de clicks.

Dooz Kawa fait des choix risqués et courageux, en terme de lyrics et d'instrus, même si il faut bien reconnaître que son Dieu d'amour d'il y a deux ans contenait quand même des relents certains de bien pensance. Du moins c'est ce que je croyais. Car le terme est finalement mal choisi à l'écoute de ce nouvel album. Son général côté désincarné ne saurait cacher l'espoir tenace en de jours moins pires face aux souvenirs de l'enfance qui sentent la nivea. Car le rap du strasbourgeois contient son lot de références à l'enfance. Cinématographiques, télévisuelles et vécues. Les grands enfants qui doutent sont souvent des artistes passionnants. Même quand on est noblement aigri, on ne peut toujours tirer à boulets rouges sur certaines formes de positivo-réalisme. Voilà pourquoi Brûler les illusions se révèlera comme un des meilleurs titres, et probablement comme le plus représentatif du style si riche et musical (au sens stricte) de Dooz Kawa. Le très métaphorique et imagé Le bétail s'élèvera lui comme une humble réussite, tout comme La maison qui abrite voix balkanique bien choisie et guitare sautillante.

Son flow, nasillard et hyper-actif, fera peut-être fuir les amateurs de rap "classique". Pourtant, il n'y a pas grand chose à lui reprocher au niveau de la technique. Tant de variation dans le phrasé et l'intonation, ça relève quand même de la sacrée performance. Les rythmiques du manouche ont la richesse et la complexité des indomptables boucles afro-cubaines. Des références serviables quand on veut poser les mots sur des instrus plus musicales qu'issues du pur beatmaking. Je ne suis donc presque pas étonné de ne pas avoir aimé plus que ça le fruit de sa collaboration avec le prodige toulousain adulé par l'underground : Al'tarba. Radio Rap et son roots bionique bien dubbé à la sauce Carpenter, sert très bien l'exercice technique (un peu toaster) et les phases toujours bien senties du MC. Bien, mais sans plus. J'en profite donc pour citer à mon avis son inégalable tuerie, pour l'excellent et speedé Hugo TSR sur Piège à loup (ici), où sa volée de cordes et de crins sont pour pour un punk à chien tout un paradis, et un mortel écrin pour qui camoufle des cocktails de foulek dans des bouteilles de multi-fruits. Fin de la parenthèse.

L'exercice de style entre rime, gammes et guitares de Do Ré Mi aura donc ma préférence. La sensibilité de Dooz Kawa y éclate. Le choix et la manipulation des mots est excellente. Cette permanente invitation au voyage et à la remémoration des choix du passé peut même prétendre à l'excellence dans le milieu du rap. Je ne suis par contre pas du tout client des sages mais réelles phases d'ego trip de Haa yaa, des tribulations certes poétiques d'un souriceau qui craque, et des hommages à Jack Sparrow sur Pommes Pourries. Mais je suis persuadé qu'ils trouveront leur public puisque l'écriture y est toujours acérée et à fleur de nerf. Syndicat d'la rime n'est quant à lui malheureusement pas au niveau et fait presque même figure de sauvage remplissage. Dommage.

L'album se fermera avec l'exceptionnel freestyle Journaliste, chronique désenchantée d'un bled et d'un monde qu'on voudrait aimer même en perdition, un peu comme cette histoire avec la fille qu'il aimait et son bébé qu'il n'appellera jamais fiston. Juste un journaliste rédigeant son journal intime, et si il trace des lignes Schengen entre son quartier et la ville, c'est qu'il est juste un reporter de guerre mobile. Le constat d'un mec seul, même parmi les autres, qui a déposé l'amour au SAV. Là c'est du lourd de chez lourd. On regrettera donc que ce type d'exercice, sans concession ni aucun artifiice ne production, n'ai pas trouvé plus de place dans l'album.

 

Messages aux anges noirs est un album encore une fois plein de promesses, même dans ses aspects les plus inégaux. L'heure du prochain album n'est pas encore tombée mais on pourra espérer alors je pense, à une intégrale déflagration de qualité. C'est parce qu'il est extrêmement varié que son rap est couillu et hors norme. Inégal, mais rêveur, aventureux et humain donc. Espérons pour lui qu'il trouve l'écho qu'il mérite, dans le verger du rap où les fruits frelatés sont aussi souvent les plus exposés.

 

http://cd1d.com/fr/sites/default/files/imagecache/300x300/imageupload/image_square/204757-message-aux-anges-noirs-14062012-1152.jpg

par Ed Loxapac

Partager cet article
Repost0
18 août 2012 6 18 /08 /août /2012 15:12

Sortie : juillet 2012

Label : KOMU (Koenmusic)

Genre : Classical, Drone, Ambient

Note : 9/10

 

Je ne cesse depuis quelque temps d'inviter nos nobles lecteurs à se pencher sur Ian Hawgood, musicien polyvalent britannique installé au Japon, qui gère les labels Home Normal, Nomadic Kids Republic, Tokyo Dronings et depuis peu : KOMU. Le gars participe a tellement de projets qu'il en est presque difficile à suivre. C'est d'ailleurs lui qui a réalisé la première sortie du label (précédent juste celle-ci), le superbe et radical Shattered Light, sur lequel on reviendra très vite. Toujours est-il qu'en dehors de ses incontestables talents de musicien, ses différents abris sont des références absolues pour mélomanes volages, de l'electronica au classique, en passant par l'ambient et le drone bien épais. Black Elk est une réunion, qui relèvera peut-être uniquement du one shot, autour de quatre artistes confirmés. Ian Hawgood donc, pour les arrangements et à mon avis certaines parties de guitare. Idem pour Tim Martin, de Maps & Diagrams. L'unique Danny Norbury, proche de Library Tapes et membre de The Boats et  Kinder Scout, au violoncelle. Et Clem Leek au piano, qu'on a déjà plus qu'aperçu dur des labels aussi crédibles que Hibernate, Rural Colours et Dead Pilot. Sparks est donc sur le papier une oeuvre pleine de promesses, qui bénéficie en plus d'un mastering du non moins magistral Lawrence English. De quoi plonger, les yeux fermés.

 

Sparks est un conte musical intemporel et mystérieux, tutoyant la terre, la mer et le ciel. Bien qu'empreint d'un brouillard cotonneux et magnétique, il s'élèvera tel un phare guidant les chiens de mer perdus au milieu des menaçants récifs. Pour rejeter ceux qui se noieront en ce sage ballet triste et nocturne, vers des berges régénérantes et opportunes. 

Sparks est donc un album qui joue avec les surfaces, les textures et les distances. Si la production allouée relève du coup de maître absolu (le mix, le mastering et les arrangements sont littéralement implacables), cette triste beauté sauvage se déshabille aussi vite qu'elle se revêt. Jouant avec l'auditeur comme un pauvre marin enfin libéré, qui trop pressé, voudrait la voir trop rapidement dénudée. La formation Black Elk produit une musique qui n'est jamais aussi belle que lorsque elle est parée d'effets. Point de simple réverbération ici. Le delay se veut discret mais élégant. Tout comme la somme impressionnante de techniques d'enregistrements, qui ont la bienséance de ne jamais supplanter le coeur purement musical d'un oeuvre transie par de nobles sentiments.

Le piano, au départ exsangue mais pénétrant, annonce dès l'ouverture la couleur générale, claire obscure tendant vers le vert de gris. Dans ses instincts les plus spontanément beaux à crever, il se voit au fur et à mesure empli d'un spectre feutré et ondulant. Les pédales s'activent et se noient dans cette sobre et efficace inondation d'effets, pour construire une entité sonore extrêmement fluide et absorbante. Si la pure beauté de As Wraith trouvera toute sa substance dans les accords simples égrainés par une guitare sèche en amont de splendides ornements, le violoncelle apparaîtra comme le plus beau des éléments. Renouant ainsi avec la plus désarmante et immaculée splendeur des fusions électro-acoustiques. Juste admirable.

Après tel chef d'oeuvre concret, les exceptionnels et lumineux Jökull et Lost Hearts mèneront l'auditeur dans une vapeur saturée où l'on cherche son trop lointain partenaire du doigt. Quêtant la chaleur et la tendresse avec inquiétude, orphelin de l'autre index. Même à distance le coeur est présent, surtout quand le poids du souvenir maintient en vie l'inexplicable ravissement. Cet ersatz, de post-rock/shoegaze/droney numérique, est un véritable chef d'oeuvre de romantisme opaque et abstrait. Avant tout parce qu'on ne saurait dire ce qui anime cette musique simple et troublante, d'où viennent ces uniques et ivres parfums de spleen et de mélancolie. 

La roche de Sparks est poreuse mais pas friable. Les éléments la pénètrent pour faire éclater toute sa beauté. Pour que crépitent encore et encore, le coeur et les cris d'une musicale poésie dont on a trop peur de connaître le nom.

Et il y a cette voix, manifestement jeune, féminine et japonaise, qui apparaît sur Sparks et The Blackest Sky. Sa présence (et son absence par extension) apaise autant qu'elle égratigne, renforçant ainsi le sentiment de trouble généralisé à l'album.

The Blackest Sky, bien que toujours paré d'effets et de tension, renouera avec les aspects plus dénudés sur le plan instrumental. Avec la force d'autant transmettre. Tout comme le terrassant From Hunters Point, où le violoncelle de Danny Norbury déploiera sa criante plainte, au milieu des field recordings et des jeux de voiles posés sur le piano. Ce titre se tait dans un point de transition extrêmement rapide vers le diluvien Hap, avec ce micro glitch, cet épidermique dérapage numérique qui symbolise à lui seul toute la force du mix et du bloc album. Aphotic Widow, où le dialogue franc et sec entre deux amants (le piano et le violoncelle) qui ne s'aiment comme il faut que dans l'éloignement, aboutira a cette troublante et enfantine sensation de disque rayé en Outro. C'est probablement sur ces deux titres finaux, qu'on observera avec plus de précision la virtuosité du piano.

 

Sparks est un indispensable. Mais ça vous l'aviez probablement déjà compris. C'est avant tout cette subtile parcimonie dans le placement des éléments qui la rend si belle. C'est parce qu'il est très absent que le violoncelle de Norbury est si remarquable lorsqu'il pointe le bout de ses cordes. C'est un album de fusion, instrumentale, technologique et émotionnelle. La seule crainte est désormais que tel projet nous laisse à jamais orphelin. La mer est une salope. Elle maintient souvent dans ses profondeurs les enfants qu'elle a préféré, pour que plus jamais la terre n'ai quoi que ce soit à leur enlever. Il ne serait donc pas complètement inutile de prier le ciel. Car cet album est je le répète, tout bonnement exceptionnel.

 

http://www.fluid-radio.co.uk/wp-content/uploads/2012/07/Cover.jpg

par Ed Loxapac

Partager cet article
Repost0
14 août 2012 2 14 /08 /août /2012 19:15

Sortie : juin 2012

Label : Ad Noiseam

Genre : Breakcore, IDM, Hip-Hop

Note : 8/10

 

Une french connection est désormais en train de se former autour du label berlinois Ad Noiseam. Il était temps. Après l'épopée intraçable de Raoul Sinier, le "baroquecore" qui surbute des perdreaux de Igorrr (et son projet bien death et guttural Whourkr), le dubstep digne d'une partouse pour un réveillon 2012 de Niveau Zero, voilà que déboule Ruby My Dear. Julien Chastagnol, de son nom véritable, avait déjà fait les belles heures de labels confidentiels et férus de vinyls tels que Peace Off ou Acroplane. Tout comme Access To Arasaka ou Tim Ballista, il était lui aussi allé faire un tour du côté de Illphabetik en 2010, avec sa Mort du Colibri. Inutile de dire que pour un lascar comme ça, une sortie sur Ad Noiseam relève de l'aboutissement. Voyons voir si une visibilité plus importante, offerte par un label référence, suffit à raviver les cendres pas tout à fait froides d'un breakcore créatif.

 

Pas sûr d'ailleurs que ceci fut l'ambition du français. Mais auquel cas, il a plutôt bien réussi. Renouant avec la spontanéité et la puissance des classiques du genre, il ne s'est pourtant pas contenté d'amonceler les "drifts" et les "snare drums". On peut cataloguer Remains Of Shapes To Come de breakcore car il en contient définitivement. Mais le cantonner à cette étiquette serait à mon avis bien réducteur, tant les mélodies craquelées, urbaines mais aventureuses du français sont inspirées. Certains titres, comme le court Maiden d'ouverture ou le remarquable Pannonica, iront aussi chercher du côté d'un hip-hop instrumental, sépulcral et voilé. L'héritage de Bboy qu'il porte probablement, se révélera plus vénéneux encore en aval, comme sur l'excellent Chazz. On trouvera ça et là, des effluves qui pourront même être qualifiées d'IDM par les adeptes de l'étiquetage en règle absolu (l'excellent Hawa, et sa nébuleuse nocturne en un seul acte pour cantatrice chauve et damnée).

Le breakcore n'est pour moi jamais aussi pertinent et jubilatoire que lorsqu'il singe le mainstream et les monuments musicaux. Le français a eu la brillante idée de commettre les deux. Avec tout d'abord, Uken, cette boucherie digitale autour du World A Music de Ini Kamoze, repris sur le Welcome To Jamrock de Damian Marley, qui semble être définitivement une référence pour qui est hébergé chez Ad Noiseam (Mobthrow l'avait également samplé, avec un résultat bien plus discutable). Je crois que l'aversion que j'éprouve à l'égard de l'original n'a d'égal que mon profond ressenti envers le dubstep, c'est dire. Mais là, ce défouloir spontané et nihiliste, extrêmement technique quoi qu'on en dise, fait figure de coup de maître. Que ceux qui y trouvent des influences Kelissiennes se fassent connaître, ne serait-ce que pour que je puisse me sentir moins seul.

Et il y a l'hommage bouillant, car c'en est un, au rêve d'un Thelonious pianiste, mais pas moine pour deux ronds. Encore une fois, la belle technique est étalée, jamais de manière trop ostentatoire pour ne pas que ça devienne chiant. Alors citons aussi les très belles et pointilleuses séquences de Knit For Snow, faisant la part belle aux drums et à ceux qui savent les faire parler, même au beau milieu de gargarismes digitaux. Alors même si les pizzicatis (pas vraiment naturels) et les franches et sauvages vrilles de Karoshi ne trouveront rien à leur très élevé niveau, citons malgré tout l'univers oblique et burlesque de L.O.M. du côté des excellentes surprises.

 

Loin des pures volontés strictement dévastatrices du breakcore, Ruby My Dear livre ici un opus extrêmement abouti et varié. Preuve qu'on peut soigner la prod même quand on est fan de trucs bien crades. Rien entendu de mieux dans le genre cette année. Donc hautement recommandé.

 

http://f0.bcbits.com/z/51/70/517083460-1.jpg

par Ed Loxapac

Partager cet article
Repost0
8 août 2012 3 08 /08 /août /2012 23:47

Sortie : juillet 2012

Label : Denovali

Genre : Experimental, Ambient

Note : 8,5/10

 

Eugenio Caria est italien, de Sardaigne plus précisément. Précision ô combien importante en fonction du caractère insulaire qu'on voudra bien déceler dans sa musique. Même si A New Life est son premier album, ce fanatique du field recorder et des expérimentations est tout sauf un débutant. Il n'y a qu'à écouter son Requiem For A Dream (faut le trouver hein) pour en être le témoin.  Utilisant des matières à priori pas ou peu complémentaires, son travail a trouvé abri chez Denovali, label allemand à qui on doit déjà cette année l'indispensable II de Bersarin Quartett (ici), et la fresque tortueuse en trois parties du français The Eye Of Time (ici), magnifiée par de volontaires aspérités malades. A New Life est lui aussi un sacré pavé, séparé en deux parties bien distinctes. Prévenons tout de suite qu'une préparation psychologique est nécessaire avant de s'immerger dans les sphères fiévreuses et bipolaires de Saffronkeira. Le péril face au puits sans fond de la folie est à portée d'oreille.

 

On dit que quand les malades persévèrent à corps et à cris dans l'antre de la folie, ils peuvent entrevoir les portes d'un certain paradis. Une nouvelle vie, c'est quand même une drôle de promesse pour qui n'est pas averti. Placée entre la photo jaunie de l'innocent que l'on fut et le tableau de ce qu'on a pas voulu devenir, la piqûre de la conscience ne saurait laisser choir celui qui a fui. Celui qui a tenté du moins. La démence est parfois une voie inconsciente mais salvatrice, pour qui a le bon goût de ne pas se laisser berner par une existence factice dont on voudrait contempler l'agonie. La folie peut tenir à distance des affres de la vie. Choisir une vie meilleure plutôt qu'une nouvelle vie ? Les fous sont les derniers vrais rebelles face à l'ordre établi. Même si la descente aux enfers n'est pas pavée de sensations fleuries. Que ces innocents soient bénis.

Pourquoi ce maladroit concours d'assonance, laissant la part belle à une noble et aiguë voyelle ? Parce que New Life semble évoquer les cicatrices béantes d'un parcours accidenté amenant lentement mais sûrement vers la folie. On ne saurait dire si cette dernière s'est construite par décompensation ou du fruit d'une anomalie cérébrale sévère. Peut-être les deux. Peu importe en réalité. Certains secrets d'inspiration artistique se doivent de rester enfouis. C'est sans aucune limite que semblent évoluer les ramifications. Avec tout ce que cela comporte de sursauts, de décharges pavoisant devant l'impossible rémission (111208 et First Denti). Car le décès social précède le décès physique.

La vie est un chemin d'argile, qui sous le soleil s'effrite où l'on s'embourbe sous la pluie. Qui ne tient que gelée par l'hiver, sa morsure me fait courir. Ma grande nouvelle aura changé, c'est la mort qui est annoncée mais l'hiver, c'est fait pour résister.

C'est de cette troublante mais surpuissante approche minimaliste, de cette alliance difficile à maîtriser entre l'électronique et l'électricité que naît l'impressionnant travail expérimental de l'italien. Pourtant, nulle complexification bête et méchante n'est à déplorer. Bon nombre d'artistes seraient bien inspirés de céder à cette conversion au pragmatisme, surtout pour ce qui est du travail autour du beat et de son rôle. Mais aussi à propos de pareilles sèches et brutales émanations noise. Les basses fréquences ouvrent les voies à des frappes sourdes, à des gargarismes analogiques et à des field recordings plutôt bien choisis pour exprimer atmosphère si dark, plongeon si âcre et profond dans les abysses d'un esprit malade. Il y a même des moments où on ne parvient pas à comprendre ce qu'il fait. Où il puise ses sources saumâtres, et où est la marge d'improvisation. Sûrement de sa caboche comparable à un haut fourneau industriel.

Bien que plus facile d'accès, moins expérimentale et physique sur le long terme, la première partie m'apparaît comme peut-être plus pertinente. Car plus épique et plus immersive. Peut-être moins grandiloquente et moins prétentieuse aussi. Ce n'est pas forcément un reproche, encore moins quand un scénario qui se veut aussi long et poignant qu'un Sergio Leone n'acouche pas d'un Robert Hossein. Car pas d'artifices ni de batard sampling ici. C'est même assez fréquent de faire ce genre de constat devant pareil objet musical "hantologique". Quand le piano déboule au dessus des drones spectraux, et des grands renforts d'orchestration. Les niches musicales, elles aussi, ont droit à leurs hyper productions. Il ne faut pourtant pas s'y tromper, il y a du génie dans ce romantisme sombre, qui trouve toute sa force dans des ambiances aussi belles que vénéneuses. Je ne les décrirais pas volontairement. D'autres le feront, mais seront forcément à côté d'un ressenti qui ne peut être qu'individualisé. Je me contenterais d'écrire qu' Ethan et 8th Months sont des tueries éreintantes. Que si Last Days aurait pu avoir sa place sur l'oeuvre de The Eye of Time, il joui d'un éclat épique plus équilibré et bien mieux produit. Je dirais aussi que les trois dernières pièces de la deuxième partie sont des réussites totales sur le plan strictement musical pour qui saura patienter. Pas de thème inertique principal dans lequel se morfondre, la force évocatrice du concept est suffisante. La fin sera tragique. Ce sera bien là, de toute une vie, le seul contrat bien rempli.

 

Oeuvre impressionnante de 120 minutes qui ne s'écoutera qu'aux heures sombres, A New Life est plus qu'un album. C'est une tranche de vie, réelle ou inventée, qui ne pourra que bénéficier de son exceptionnelle enveloppe physique. Possédant des accointances avérées avec celle de The Eye Of Time, elle trouvera une place de choix dans une noble discothèque, entre In Bocca Al Lupo de Xela et les oeuvres complètes de Leyland Kirby. Un hommage qui se veut aussi, comme un avertissement.

 

http://images.hhv.de/catalog/detail_big/00282/282870_1.jpg

par Ed Loxapac

Partager cet article
Repost0
8 août 2012 3 08 /08 /août /2012 02:09

Sortie : juillet 2012

Label : Abstrakt Reflections

Genre : Ambient, Glitch

Note : 7,5/10

 

Max Paskine est français. Ce qui réveille forcément un chauvinisme narquois, dans un pays comme le notre, où les prophètes ambient sont appelés à se faire connaître. Son boulot autour de la communication visuelle n'est qu'un cache nez à peine voilé, devant ses véritables ambitions de plasticien sonore. Et visuel aussi, car le minot tripote plus que pas mal certains logiciels, associant des mirages spatiaux ondulés à une musique qui se veut elle aussi interstellaire. Ce proche du Metaphore Collectif (où sévissent des gens comme Adamovitch ou Black Sheep) a signé il y a quelques jours son premier album chez Abstrakt Reflections, netlabel où il y a à boire et à manger, mais qui a quand même fait sortir du bois des gens comme VNDL ou R.roo.

 

Les ordinateurs, et les softwares qu'on leur associe, ont permis à des gens qui ne savent pas lire une partition de faire de la musique. C'est la cas de Paskine. Il ne faudra d'ailleurs qu'une écoute ou deux pour comprendre que la structure et sa superposition sont pour lui des éléments plus importants que la dialectique musicale classique. L'architecture, c'est tout de suite plus simple quand on a fait les beaux arts. Il y a d'ailleurs quelque chose de très schématique dans sa manière de composer. Peaufinant un substrat mélodique pour en faire un canevas ambient de base. C'est dans la répétition que Paskine quête lentement mais sûrement l'anomalie digitale. Là où l'altération pure du glitch fait la rencontre improbable des fonctions d'harmonie imitative de l'alitération. Pour que de la collision émerge une masse en fusion.

Son utilisation du phasing est peu orthodoxe, et semble venir d'une contrainte fixée plus que d'autre chose. A moins que cela ne vienne des influences du jeune homme. Philip Glass et Steve Reich pour les bases ambient et la révolution des procédures. Paskine sait aussi qu'avant que raster-noton ne devienne ce qu'il est aujourd'hui, Mille Plateaux a connu des heures de gloire, qui ont accouché d'éternelles références. Comme Mark Steel et Mark Fell au sein du duo SND. C'est là qu'il faut chercher le véritable héritage du marseillais à mon humble avis. L'intitulé de son album est d'ailleurs un hommage direct aux longues plages vaporeuses de Gas. Pour ce qui est du glitch, nul doute que le jeune français a passé des heures à se prendre dans la gueule les anomalies des papes que sont Noto, Robert Lippok ou Ryoji Ikeda. C'est même assez évident quand on écoute pour la première fois Qanoun Debut, et ses petits murs de sons surplombant un tapuscrit de percussions digitales.

Qu'on le veuille ou non, chaque nouveau venu dans le domaine du sound design intervient avec les influences qui ont façonné sa griffe. Ici réside la vraie performance de Paskine. Car bien que très influencée, sa musique est dotée d'un grain très personnel. La dimension répétitive relève finalement plus de la méthode, et ne saurait cacher la profonde originalité globale du projet. On pardonnera donc aisément la dérive presque rocksteady et très orientale de Octo (qui est à mon avis trop lisse et immédiat pour figurer au tracklistening). Ou sur le très bien foutu Struct, tout en sursaut et fausses pistes échantillonnées, où la démonstration technique se révélera plus probante que la recherche de la catharsis dans l'erreur sonore en elle même. Son travail autour de la limite est tout à fait louable, mais pas quand il ne l'a pas définie au préalable.

Il faudra à mon sens privilégier un titre très rythmique comme Thns, où le beat suit ses propres règles devant la chambre des souhaits, à l'abri des faux Stalker. Ou le triptyque Ambient Phase, écrin nébuleux et magnétique où le marseillais a l'intelligence de ne pas être trop démonstratif. Les phases deux et trois apportent une profondeur de champ admirable. L'aspect mélodique y prend l'ascendant sur la méthode et la contrainte. Sa démarche semble enfin libre. La musique est la vapeur de l'art, elle est à la poésie ce que la rêverie est à la pensée. Ce que le fluide est au liquide, ce que l'océan des nuées est à l'océan des ondes.

Quoi de mieux que de placer l'excellent Qanoun Time après pareil éclat. La fameuse catharsis tant recherchée y apparaîtra enfin. Derrière les fumées émanant d'un âtre assagi mais crépitant encore. Les ondes se superposent au détour des magnifiques saturations. Le beat est presque superflu face à telle référence ambient, aux confins du drone et du shoegaze numérique. La nuée pulsative de clôture s'élèvera aussi comme une réussite véritable, avec sa grêle battante et affûtée. Comme un souffle chaud sur la terre globalienne implorant l'averse.

 

Je maintiens que Paskine gagnerait à s'émanciper de certaines contraintes de composition pour libérer tout son incontestable talent. Bien qu'imparfait, UNTTLD est nettement au dessus de bien des production entendues cette année. Les sphères ambient ont multiplié les disques à l'infini. Les noyant dans leur propre graisse jusqu'à leur ôter toute valeur. Celui-ci est gratuit (ici) et mérite qu'on s'y attarde. Avant que son créateur ne revienne peut-être ailleurs, avec des schémas plus libérés. 

 

http://www.abstraktreflections.net/images/paskine-unttld.jpg

par Ed Loxapac

Partager cet article
Repost0
3 août 2012 5 03 /08 /août /2012 01:30

Sortie : mai 2012

Label : Touch

Genre : Drone, Contemporain, Violoncelle

Note : 8/10

 

Le charme sauvage de l'islandaise n'a d'égal que son éternelle humilité. Celle dont le prénom est aussi difficile à écrire qu'à prononcer, est installée depuis quelques temps à Berlin, visiblement définitive capitale pour tout musicien qui se respecte. Même si elle est très loin d'officier dans des sphères mainstream, elle a donné un sévère coup de projecteur sur l'instrument qui lui est cher : le violoncelle. Véritable symbole du label Touch (avec Fennesz et quelques autres), son magnifique Without Sinking et sa miraculeuse collaboration avec Hauschka sur Sonic Pieces, font office d'indispensables pour bien des mélomanes avertis. Son Mount A, signé sous son pseudo Lost in Hildurness, est tout aussi recommandable (peut-être encore plus) même si il est moins souvent cité. Tout ce qu'elle touche se transforme en or. Même si tout le mérite lui en revient probablement, Hauschka fait aujourd'hui le bonheur du légendaire et inaccessible Deutsche Grammophon, référence classique si il en est. Quand on dit qu'elle a également collaboré avec des gens comme Ben Frost, Throbbing Gristle ou Pan Sonic, ça a tout de suite un impact un peu plus évocateur vis à vis de la virtuosité de la demoiselle. Leyfou Ljosinu (Allow The Light en anglais) est sorti il y a quelques semaines chez Touch, entraînant des réactions aussi vives que contrastées.

 

Enregistré dans les conditions du live au Centre de Recherche Musicale de l'Université de New-York, Leyfou Ljosinu est un album très particulier, mais qui se révélera comme tout sauf anecdotique avec le recul, dans la discographie de Hildur Guonadottir. Outre le fait que le GRM français (Groupe de Recherche Musicale) ai joué un rôle très important dans le projet, c'est avant tout les méthodes d'enregistrement qui ajoute tant de singularité à cet album. Pour d'autres, c'est ce qui déconcerte si j'en crois mes rares lectures sur la virtuelle toile. Quand on parle de méthode d'enregistrement, il faut surtout citer le matériel en question. Un couple de micros électro-statiques (Neumann U87) et un Soundfield ST450. Que des microphones qui coûtent la peau des couilles, et qui sont très difficiles à maîtriser pour ceux qui n'ont pas de réelles connaissances et de maîtrise de l'ingénierie sonore (à ce niveau là on peut même parler de science). Je vous épargnerais l'importance du placement et de la disposition des différents éléments pour profiter au maximum de cette luxueuse installation. Tout le monde sait que les lecteurs de Chroniques Electroniques n'ont strictement aucun intérêt pour le domaine technique.

Ceux qui ont eu la bonne idée de plonger les oreilles dans des titres tels que Light ou Reflection, savent que l'islandaise n'en est pas à son coup d'essai expérimental, et que s'approcher du drone ne lui a jamais fait peur. la démarche n'a pourtant jamais été aussi poussée. Après un Prelude dans la plus pure tradition Hildurienne (à pleurer donc), la fresque est là, ambivalente et ondulée, prête à transmettre son lot de mystères et d'émotions.

L'islandaise connait si bien son instrument qu'elle peut le laisser divaguer vers des trajectoires imprévues. Ce buste de bois qu'elle place entre ses jambes comme un torse masculin, semble même être un prolongement d'elle-même. On comprend vite lorsqu'elle caresse ce pelage de cordes, qu'elle a les armes pour le faire parler, gémir et hurler. Il est l'instrument de son génie, avec toute la noblesse que cela comporte.

La voix s'égraine, des paroles incompréhensibles, voilées, murmurées, mais qui semblent tant dire. Les notes sont amples, installent progressivement le canevas. Déjà, le travail autour de la spatialisation est remarquable. Ce grain, si spécifique aux objets Neumann, et ces mediums qui semblent si lointains, ajoutent à l'atmosphère une tonalité profonde, insondable et solennelle, digne d'un faux conclave en chapelle ardente. Les silences occupent peu mais bien l'espace. La voix se répercute contre des parois poreuses et millénaires. Puis, les notes se resserrent, le thème se gorge d'inquiétude transie. Ce qui se révélera comme une insoutenable attente propice à l'assise de la charge expérimentale (jusqu'à la 23ème minute) , prendra des allures de longueurs pour ceux qui entendent plus qu'ils n'écoutent. L'instrument de toute les attentions déploie sa plainte au milieu des voraces échos. Puis, et c'est là que toute la technique de l'islandaise est impressionnante, la caresse se fait plus violente et plus débridée. On pourrait croire qu'elle saisit ce tronc comme un stradivarius léger comme une feuille d'érable, pour lui arracher ses secrets les plus inavouables. Elle est seule mais l'impression que la scène compte dix concertistes est bluffante. Sans jamais céder à la cacophonie et à la surcharge, les six dernières minutes seront dantesques. Jusqu'à ce désarmant silence, qui rendra ce pavé musical si obsédant. Tout n'est plus qu'absence, avec toute la paix et la frustration conjuguées.

 

Ceux qui assistérent aux installations de Pimmon, Monolake et Hildur sous l'égide du GRM et de Présences Electronique avaient, pour certains d'entre eux, émis une certaine réserve voire de la déception. Il y a deux écoles dans ces cas là, ceux qui ne jurent que par l'immédiateté des albums en eux même, et ceux qui envisagent la musique (l'expérimentation surtout) dans sa configuration scénique. Il en est de même avec cet album. Déconcertant peut-être, mais tout sauf décevant. L'exigence est la panacée de ceux qui vivent la gueule dans le son. Un album à part donc, mais qui comptera. Hautement recommandé.

 

http://www.touchmusic.org.uk/images/585x/TO90.jpg

par Ed Loxapac

Partager cet article
Repost0
30 juillet 2012 1 30 /07 /juillet /2012 18:32

Sortie : juin 2012

Label : Hands Productions

Genre : Indus, Rythmic Noise

Note : 8/10

 

Le français Sylvgheist Maëlström est un artiste aussi passionnant qu'étrange. Il tente depuis plusieurs années de maintenir à flot son festival de la musique electro-industrielle à Paris. Il est apparu sur des compilations de chez Brume Records ou Signifier. Son album d'il y a deux ans, Lahar (ici), avait été mis en avant par le défunt webzine Connexion Bizarre. Ce proche de Tzolk'in et de tout ce que la scène indus comporte de créatifs, a prouvé aux logiques sceptiques que l'indus n'officiait pas seulement dans une sempiternelle répétition et pouvait être dotée d'une âme. Le label Hands Productions est adulé en terre germanique. Il faut dire que des gens comme Xabec ou Empusae y ont tenu refuge. Même si actuellement, le label peine à maintenir le même intérêt que par le passé, Skaftafell devrait à nouveau lui attirer les éloges qu'il mérite.

 

La passion du français pour les catastrophes naturelles et les lieux désertiques ou dévastés est intacte. Elle se fond à merveille dans sa musique comparable à une avalanche de violence intérieure. La violence n'est pas un problème par définition, elle est même souhaitable si on sait quoi en faire. Ici, la création la canalise, même si elle semble se jouer du caractère immuable de l'équilibre et de la hiérarchie des nobles sentiments. Souffrir pour mieux créer, ou est-ce l'inverse ? Telle est la question à laquelle, le français ne répondra qu'en musique. Dans cette fusion des éléments matériels et dans l'abdication face aux phénomènes naturels.

Ses titres me semblent plus aboutis que par le passé, malgré le fait qu'on puisse noter un certain élagage dans le temps qu'il met à installer ses hostiles climats. Je soupçonnais déjà le parisien de ne réaliser des albums que pour les présenter en live. C'est sans doute encore plus vrai cette fois-ci, car sa musique a gagné en pragmatisme et en immédiateté, surtout sur le plan rythmique. C'est même presque étrange qu'une musique autant basée sur le rythme, puisse se révéler si picturale dans sa profonde capacité à dresser des cohortes de charniers devant les yeux.

Banda-Aceh m'avait déjà alerté sur la compilation "fourre tout" et bien trop inégale These Sounds Will Have To Meet Somewhere In Between de chez Signifier. Elle prend une toute autre dimension en fausse intro de la cavalcade rugueuse et rampante à venir. Si Tlahuitoltepec ressemble un peu aux aspects tribaux de Tzolk'in, c'est sûrement avant tout parce qu'elle aborde les même sentiers sacrificiels et amérindiens.

La véritable évolution pour moi tient dans la grande place laissée aux textures plus électriques, renforçant ainsi le caractère abrasif d'un son propice à la trance sur un dancefloor habité. Il me semble même entendre une six cordes hurlante, en contre-bas de la vague interstellaire introduisant un Kuthia du plus bel effet. L'appétit des drums ne saurait s'y tarir.

Un jour, la technologie permettra sûrement d'allier à la musique odeurs et sensations. On pourrait aisément se servir de Skaftafell pour évoquer la putréfaction d'un monde en cours de lente mais certaine annihilation. Doit-on culpabiliser de céder à la danse, et aux beautés rèches de cette purge intégrale. Le point culminant sera probablement Naturby, véritable hostie de zélotes offerte aux romains dans une forteresse de Massala inondée pour l'occasion (surtout juste pour que je puisse la citer). La logique aurait voulu que la crémation du soufflé s'estompe en fin d'album. Il n'en est rien. Les trois morceaux qui ferment la marche vers les abysses, débrident les instincts de traques dans des schémas rythmiques et des saturations bien moins attendus. Du grand art.

 

Sylvgheist Mälström ne révolutionnera pas une musique industrielle qui n'a plus grand chose à offrir. Mais la force du concept et l'authenticité qui semble transpirer de sa personne rende sa musique toujours aussi passionnante. Hautement recommandé, pour les soldats de l'indus qui ont de la matière sous leur casque. A découvrir sans retenue pour les autres.

 

http://www.medienkonverter.de/images/rezensionen/5068.jpg

par Ed Loxapac

Partager cet article
Repost0