Date : 21 mars 2010
Lieu : La Machine (Paris)
L'appréhension est forte avant un concert d'Autechre, on a toujours peur d'être déçu par nos références. Ce postulat est d'autant plus valable avec les Anglais dont les expérimentations sonores sont à elles seules des partitions insondables. Une interrogation domine : le groupe va-t-il se concentrer sur le génial dernier album, Oversteps (chroniqué ici), ou bien va-t-il laisser parler ses machines ?
La Machine affiche complet ce soir et pourtant, le public se disperse et se perd dans les dédales de l'antre nocturne parisienne. Les habitués de la Loco ne pourront qu'être ravis, même si le Moulin Rouge a récemment racheté le lieu, celui-ci n'a pas bougé d'un iota et reste toujours aussi labyrinthique. Mieux, le prix des consos est désormais abordable, fait suffisamment rare dans la capitale pour être souligné. Nous arrivons à 1h30 du mat', heure annoncée pour le live d'Autechre.
On se faufile avec une facilité déconcertante au premier rang. Les lumières s'éteignent et ne se rallumeront pas durant 1h15. Autechre a donc choisi de persévérer dans cette veine anti-ludique où les lumières ne sont qu'un prétexte divertissant. Les premiers beats se font sentir, la basse est lourde, la rythmique impose une cadence lente. Les têtes hochent concenscieusement pendant que Rob Brown et Sean Booth s'attardent avec sérieux sur leurs machines. Le duo va adopter un double principe relativement simple : ne jamais rester bloqué sur un "morceau" plus de 4 minutes et lentement accélérer la cadence. Le live commence à prendre lentement forme et les jambes se délient. En moins de 30 minutes, le public semble acquis à la cause d'une IDM industriel dont le mot d'ordre sera la déconstruction. Autechre prend un malin plaisir à faire trébucher les danseurs des premiers rangs en jouant avec la rythmique comme on détruit un Lego. Ça break, ça se fige, ça redémarre, ça s'accélère, ça se perd, ça se retrouve... Aucun morceau n'est reconnaissable, les yeux préfèrent se fermer pour mieux visualiser les sons mais c'est peine perdue. Et quand la violence prend définitivement le pas en imposant une rythmique hard-tech, le public pousse les murs et se rentre dedans. C'est éreintant mais l'exutoire se révèle salvateur. Le groupe achève son live par une track IDM imparable et les lumières se rallument, il ne reste plus qu'à se frotter les yeux.
Autechre fut à la hauteur de nos espérances malgré un son vraiment contestable. Les basses prenaient tellement de place qu'il était difficile de profiter des multiples sonorités que pouvait offrir le duo. Cela laisse cependant présager du meilleur si, à l'avenir, le groupe décide de passer dans une salle à l'acoustique plus approprié. Il n'en reste pas moins que ce fut 1h15 d'une violence imparable mais jamais gratuite, une déconstruction en règle de nos certitudes électroniques.