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  • : Chroniques électroniques - Chroniques de disques, de concerts, de festivals, de soirées de musiques électroniques, rap et bien d'autres...
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25 janvier 2011 2 25 /01 /janvier /2011 20:17

Sortie : 30 novembre 2010

Label : autoproduit

Genre : IDM, Ambient

Note : 8,5/10

 

Profitons d'un calme mois de janvier pour se pencher sur des beautés injustement passées inaperçues en 2010. Sorti de nulle part, et se revendiquant comme tel, No Sun In September a peut-être publié l'un des disques les plus intrigants de ces derniers temps. Les informations sur le personnage sont maigres. Il semble établi en Antarctique, et aspirer à l'artifice. Et artifice il y a, car en réalité Pete K. est d'origine sloveno-finlandaise, et habite Zurich. Connu ailleurs sous le nom de A Silky Surface, Soundtravelling In The Area Of Lake Karachay est son premier disque sous cet avatar, qu'il a lui-même produit. Un album au concept à la fois dérangeant, tordu et fascinant.

 

Située dans les montagnes du Sud de l'Oural, en Russie de l'Est, la zone du lac Karachay est l'endroit le plus pollué et radioactif de la planète. Rester, ne serait-ce que cinq minutes, sur ses berges suffit à absorber des doses mortelles de radiations. Une demi-heure, et vous êtes sûr d'y passer. Dans les années 1950, le lac a servi de décharge aux déchets nucléaires de l'Union soviétique, provenant du complexe militaire de Mayak. En 1957, une explosion, tenue secrète à l'époque par l'armée russe, provoqua en terme de radiations le double de l'accident de Tchernobyl. Tel est l'endroit dans lequel No Sun In September se propose de nous faire musicalement voyager. Cela n'a rien à voir avec une promenade de santé.

Sans paraître surannée, son IDM rend discrètement hommage aux années 1990. Autechre, en premier lieu (Mayak), ou Boards Of Canada, derrière les phases mélodiques de Chelyabinsk-40, les influences warpiennes de l'époque ne semblent jamais loin. Baigné d'ambient et d'électronica, Soundtravelling.. dégage pourtant (ou nécessairement) une profonde noirceur. Les interludes immobiles et grésillantes glacent le sang, le glitch y est chimique, et même les passages plus doux et poétiques semblent empreint d'un désespoir désabusé, illustrant ce territoire à demi-mort. Depuis asséché et coulé de béton, le lac Karachay continue d'émettre des nuées de poussières toxiques, que retranscrivent les nappes morbides et électriques du malade No Sun In September. On ère dans les rues grises de Chelyabinsk (Chelyabinsk-40 à 70), dans les zones industrielles d'Ozyorsk (Good Morning Ozyorsk), le long de la rivière Techa (le sublime et unique morceau heureux, Techa), ou sur les rives même du Karachay (Lake Karachay). A l'occasion, des voix radiophoniques nous rappellent, entre autre, que « 7 000 people still live in the area ». Précisons, car cela n'a toujours pas été dit, que cet album est prodigieusement excellent. Outre le contexte sombrement évocateur, les rythmiques martiales, les nuages de mélodies empoisonnées et la progression écorchée en font une oeuvre magistrale, dans laquelle absolument aucun titre n'est à regretter (à part un interlude de 30 secondes un peu trop kitch, et encore). Il n'empêche qu'un nombre d'écoutes honnête est nécessaire à la plus profonde immersion. Si on voulait vraiment prétendre à l'analyse, on suggérerait que le caractère atemporel de Soundtravelling, et la façon qu'a son auteur de sembler suspendu 15 ans plus tôt, pourraient traduire le marasme social dans lequel sont engluées les régions dont il fait le tableau. Des beats abrupts et glitchés du final Good Morning Ozyorsk, ne perce aucun optimisme.

 

Soundtravelling In The Area Of Lake Karachay est une expérience qui se doit d'être vécue. Scandaleusement ignoré, No Sun In September a lâché une bombe, aussi géniale que dangereuse, sur laquelle trop peu s'arrêteront.

 

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par Manolito

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commentaires

S
<br /> Excellente critique. Merci beaucoup, c'est avec un réel bonheur que j'écoute ce superbe album d'un artiste que je ne connaissais absolument. Sa musique est un peu au confluent de la musique<br /> warpienne des années 90 et de Marconi Union.<br /> <br /> <br />
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C
<br /> <br /> J'ai vécu la révélation aussi. Scotchée par sa musique comme par son univers. Le genre de chronique passionnante à écrire. Je connais très mal Marconi Union par contre, mais je te crois.<br /> <br /> <br /> <br />