Sortie : 19 juillet 2010
Label : Hotflush Recordings
Genre : Dubstep organique
Note : 8,5/10
Dominic Maker et Kai Campos constituent Mount Kimbie. Sortis l’année dernière, les deux EP des Anglais, Maybes et Sketch On Glass prédisaient déjà un futur alléchant. Résonnances organiques, rythmiques percussives et climat cotonneux, le post-dubstep de Mount Kimbie dégage à l’oreille quelque chose d’éminemment doux et intimiste. Émergent alors deux EP de remixs, par Falty DL, James Blake, avec lequel ils collaborent souvent, ou SCB (avatar techno de Scuba). Et en effet, qui d’autre que Paul Rose aka Scuba pour sortir le séduisant duo, sur son label Hotflush Recordings. Des remixs de leur part pour Foals ou The XX ne manquent pas de faire mijoter le buzz. Laisser reposer et servir glacé : Crooks & Lovers est un superbe premier album.
Entre UK garage, électronica, ambient, et doté d’effluves de hip-hop, de jazz ou de post-rock, ce disque convoque maintes influences, mais demeure inétiquetable. Dans la famille des pionniers du dubstep expérimental et ralenti, tels que l’on en trouve chez Hotflush, chez Hyperdub ou Hessle Audio, Mount Kimbie se distingue par l’esprit lumineux, clair et gai qui habite leurs productions. Nulle noirceur plombante ni ténèbres torturés ne s’observent sur Crooks & Lovers. Mais cela n’affecte en rien la profondeur des titres, ni la façon dont ils s’immiscent en vous, submergeant votre coquille d’un mélange de mélancolie et de joie apaisée. Rarement en dubstep, à part peut-être chez Burial, les samples de voix n’ont été plus subtilement utilisés, notamment sur Carbonated, à qui un chaud timbre féminin donne des tons exotiques. Le duo manipule les machines avec une sorte de délicatesse élégante, associant des instruments acoustiques, des fields recordings et des clappements en tout genre, à des rythmiques gentiment bancales. L’album entier semble frotté au papier de verre (mais tout doucement hein), conférant une texture grenue à de nombreux morceaux. Un peu comme si le grain de la photographie de l’artwork s’appliquait à la musique enfermée dans le disque. Sauf que la pochette, elle, on se contentera de la regarder de très loin.
Rien n’est à jeter sur ce sublime album. L’aspect solaire et même… pop est davantage présent que sur leurs précédents EP, mais la cohérence et la qualité sont telles que même un nombre d’écoutes s’approchant du bon milliard ne suffit pas à lasser. Dans un état proche de la béatitude, on ondule mentalement sur le génialissime Would Know. Avec son intro tirant sur la folk expérimentale, Before I Move Off a tout de la perle immédiate et jouissive. Quant à Ode To Bear, cette pièce paisible et bouleversante vous berce avec une douceur infinie dans des milieux aquatiques, eux-mêmes traversés de lueurs changeantes.
Percussif, complexe, ludique, rêveur, atmosphérique, les adjectifs ne manquent pas pour décrire ce bijou. Et justement parce que, pour la plupart des auditeurs, cela ne s'apparentera en rien à du dubstep, Crooks & Lovers est avidement recommandé à toutes et tous. Un grand disque.
par Manolito