Sortie : 26 avril 2010
Label : Ostgut Ton
Genre : Techno
Note : 8,5/10
1999, Berlin, naissance du Berghain. Depuis plus de 10 ans, s’il est un lieu qui impose au reste du monde le futur du clubbing c’est bien cet antre berlinoise, gigantesque usine désaffectée où chaque weekend des milliers de clubbeurs viennent gonfler leurs pupilles sur le son d’une techno minimal autant rigoureuse que moite. Depuis son ouverture, un DJ n’en est jamais sorti. Marcel Dettmann est un peu cette mère nourrice venant procurer régulièrement sa dose à sa ruche. Quand il daigne sortir, c’est uniquement pour propager son venin dans les autres clubs mythiques du monde. Pas le temps de sortir un album le Marcel, il est bien trop occupé. Pourtant, sous l’impulsion du label local, Ostgut Ton, notre homme sort enfin de sa cave.
A l’image du Berghain, Dettmann est un album dessinant les contours de ce que sera la techno du futur : froide et organique. De prime abord, album techno totalement hermétique et sans âme, une fois l’immersion acceptée, on fait face à une bombe mouvante d’une rare puissance. La volonté de Marcel est explicite, il est venu bouffer vos calories tout autant que vos neurones et le trip sera fondamentalement solo et amphétaminé.
Pas une once de lumière et de groove dans cet exercice à la limite de la radicalité. Dettmann n’est pourtant pas un album de techno sombre mais juste un gigantesque trou noir. Tout est fait pour vous maintenir sous pression par la force d’une basse le plus souvent sourde et vous collant au mur par la force d’échos caverneux. La mélodie n’existe plus, il faut désormais se contenter d’une atmosphère post-indus limitant votre perception. Impossible de s’évader, la rythmique est implacable.
On est pourtant loin d’une techno minimale formatée, à chaque nouvelle écoute, les morceaux se complexifient et laissent apparaître une nouvelle image. Dettmann prend un malin plaisir à distiller des sonorités d’insectes rampant pour que vous puissiez mentaliser l’ensemble comme sur Screen et Argon. Ce parti pris organique transforme la moindre piste en techno mouvante, ainsi Irritant se révèle excessivement vicieux avec ses sonorités malsaines semblant grignoter votre peau tel un eczéma coriace. Bien entendu, le parallèle avec les productions M_nus est irrévocable mais il y a chez Marcel Dettmann un sens de l’occupation de l’espace impressionnant comme en témoigne Motive, parcouru par un vent glacial.
Marcel Dettmann signe un album absolument fascinant, un objet redéfinissant les contours de la techno. Cependant, ce voyage risque fort de se révéler totalement hermétique à bon nombre d’auditeurs tant l’immersion est ici sourde et contrôlée. Dettmann est un album se révélant avec le temps, nécessitant plusieurs approches. Une fois la carapace en métal percée, il ne vous restera plus qu’à plonger dans ce sable mouvant sans fond.
par B2B