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7 mai 2012 1 07 /05 /mai /2012 02:40

Sortie : avril 2012

Label : ant-zen

Genre : Dark Folk, Ambient médiéval

Note : 8,5/10

 

Nicolas Van Meirhaege, ou Sal-Ocin est probablement un des artistes les plus passionnants et les plus prolifiques d'une certaine scène dark et industrielle. Le belge participe à la formation très rythmique et un poil rébarbative This Morn'Omina, au duo passionné par les anciennes cultures amérindiennes Tzolk'in avec Flint Glass, à Ah Cama-Sotz. Mais c'est probablement sous son avatar le plus personnel, Empusae, qu'il se montre le plus fascinant. Pour mémoire, vous pouvez (re)lire la chronique de son excellent et très abstrait Organic.Aural.Ornaments avec Shinkiro ici. Jamais avare en matière de rencontres et collaborations, Nicolas a sorti de nombreux disques sur Hands Productions et est un proche des bavarois de chez ant-zen. L'impatience et l'excitation se conjuguent dès l'annonce de la sortie d'un nouvel album. Symbiosis est disponible depuis à peine une quinzaine de jours, mais risque de tourmenter mes nuits pendants des années.

 

Il est extrêmement compliqué à notre époque d'arborer en musique une esthétique gothique sans en incarner les poncifs, maintes fois étalés. Il n'est pas forcément non plus nécessaire d'être triste pour se sentir bien sur les sentiers de la dark musique. Pour l'album aujourd'hui dévoilé, on parlera d'ailleurs plus de dark ambience que de dark ambient, tant la richesse dans l'enluminure rend la seconde dénomination obsolète, dans ce cas précis. Si les adorateurs des tambours et de la palette rythmique de Empusae trouveront ici leur compte, c'est définitivement dans son songwriting, dans sa capacité à s'entourer d'invités divers et variés et dans la profonde musicalité de Symbiosis qu'il faudra le plus plonger. A mon humble avis profondément inspiré par La Divine Comédie et par Le Paradis Perdu, c'est finalement plus du côté de John Milton, de Dante Alighieri, des tableaux du Caravage que des chemins infinis et sableux de Frank Herbert qu'il faudra chercher l'hommage. Car Symbiosis est une fresque relatant la tragédie humaine et ses tribulations. Dans certaines histoires tragiques les personnages doivent à la fin mourir, ou du moins faire semblant, parce qu'il n'est pire douleur que le souvenir du bonheur au temps de l'infortune. L'amour, la violence, la mort, l'allégorie du pêché, la peur du créateur en sont forcément les plus beaux ingrédients. Vous qui entrez, abandonnez toute espérance, même si l'Enfer est souvent pavé de bonnes intentions, d'autant de pêchés capitaux que de vertus cardinales.

Si l'oeuvre de Empusae est plus décousue, moins chronologique et donc plus anarchique dans sa conception que La Comédie, elle est aussi cousue de chants, commençant par le lugubre et terrifiant One And The Same, qui plantera idéalement les premiers éléments de ce décor digne de l'anté-purgatoire. L'instrumentation, aussi lyrique que fantomatique, est à la hauteur du monument.

Des eaux boueuses de l'Acheron (Deceivious Water) et du rivage de l'île proviennent des voix célestes et damnées (celles de Ann-Mari Thim, Peter et Cecilia Bjargo) pour mieux retenir ou faire passer les âmes du bon ou du mauvais côté de la Porte. Ce titre au rythme lent mais diaboliquement haletant tire toute sa substance dans sa progression, ses orchestrations de cordes et ses choeurs hérités du sacré, mais surtout parce qu'il introduit quelque chose de beaucoup plus lacéré et éprouvant : Dissection Of Purity.

Si la musique se suffit à elle-même pour retranscrire tout l'aspect torturé, les plus imaginatifs d'entre vous pourront aisément être les témoins muets des sévices subis par les blasphémateurs, les usuriers, les gourmands, ou autre comte Ugolin, coupable d'avoir anéanti sa propre progéniture et par conséquence, condamné à être dévoré de l'intérieur pour l'éternité.

La Rivière Noire, susurrée habilement par Christelle Morvan (l'artiste Chris Nesis, compagne de Empusae) reflète probablement dans sa narration, une hypothétique incartade de Béatrice et Dante avant de contempler la Rosa celeste, comme Adam et Eve au jardin d'Eden, car être amoureux, c'est se créer de toutes pièces une religion dont le Dieu est faillible. Encore une fois la rythmique, comme la trame ambiante, claudicantes et fractionnées sont au service d'un ensemble, abstrait mais définitivement pictural.

Parce que peu de mots peuvent décrire le déchirant et sublime Seven Types Of Ambiguity, les chemins de la damnation explorés par ce piano si simple et si essentiel et les paroles désarmantes de Nick Grey (avec qui Empusae avait déjà collaboré il y a quelques années) n'ont nul besoin de l'analyse de ceux qui n'ont pas cédé au baptème.

Le purement instrumental, désertique et très ambient Kralizec fait un lien curieux mais pourrait finalement prétendre au titre de Kwisatz Haderach entre les époques, les mythes, croyances anciennes et théories d'anticipation. Celà pourrait être celà, le Paradis Perdu moderne.

 

Entièrement dépourvu des propos moralistes des oeuvres indispensables précédemment citées, Symbiosis est une expérience à vivre seul(e), face à ses propres constats ou non. La vérité du drame est dans ce pur espace qui règne entre la stance heureuse et l'abîme qu'elle côtoie : cet inapaisement total, ou cet ambiguité suprême. Parce que vous aussi, vous aimez vous mettre en slip pour citer Saint-John Perse, procurez vous cet album mystique et littéralement habité.

 

http://imageshack.us/a/img805/6743/essb.jpg

par Ed Loxapac

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commentaires

B
Dites donc c'est excellent en fait.<br /> C'est assez loin de ce que j'ai l'habitude d'écouter... et ça fait du bien !<br /> C'est calme sans être ennuyant et ça dégage une ambiance sombre et envoûtante.<br /> Après une première écoute, c'est du tout bon.
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G
Et ben je me suis pris une sacré claque avec le "Seven Types of Ambiguity"... ça faisait un moment que j'avais pas écouté un si beau titre, ça m'a fait un peu penser au "Ether" de Coil. Je vais<br /> écouter le disque rapidement ! Merci pour la découverte !<br /> Et pour Nick Grey et sa voix déchirante, j'ai vu qu'il avait sorti un album en 2006, ça m'intrigue aussi.
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