Sortie : novembre 2011
Label : Mille Plateaux Organics
Genre : B.O d'un film inexistant
Note : 8/10
Certains défricheurs connaissaient déjà Ross Mc Lean sous son pseudonyme de Mawglee, à l'époque où il sévissait sur le label de Brighton Tru Toughts. C'est lui qui se cache derrière ce nouveau projet : The Lawless. Voilà une occasion pour la crémerie allemande Mille Plateaux de donner naissance à une énième sous-division, simplement nommée Mille Plateaux Organic. Marcus Gabler (le boss), dit que c'est une des oeuvres les plus surprenantes et passionnantes qu'il ai sorti. Tentons donc de voir si le ramage est à la hauteur du plumage de cet oiseau de bonne augure.
Électronique ? Modern Classical ? Folk ? Il est impossible d'étiqueter cet album d'un genre bien précis. Ou alors il faut accepter de tous les lui conférer. Au delà de la considérable somme d'instruments naturels qu'il contient, la véritable force de Habit Forming est de parvenir à narrer les tribulations de personnages aussi improbables que les paysages vers lesquels l'auditeur est transporté. Ceux qui penseront voir des hobbits courir derrière une diligence en plein milieu du Sahara ne sont pas fous. Rassurons les donc. Les superbes mélodies de cet opus renvoient aussi bien au western, aux aventures de Don Quichotte qu'aux intrigues en costumes des cours royales.
Habit Forming, ou comment transposer un saloon fleurant bon le pubis et le whisky bon marché à Versailles. The Lawless, ou l'incongrue rencontre entre Serge Gainsbourg et Ennio Morricone.
Il est rare qu'un producteur électronique n'étale autant de talents d'orchestrations sans excéder dans la surcharge. Rien ne dépasse malgré la richesse et la luxuriance. Même les quelques accents kitsch de Italian Type et son accordéon (oui oui) ne parviendront pas à ôter le sourire surpris qu'arbore notre visage.
Les cordes sautillent tandis que les murmures de Shona Foster et de Fifi Dewey virevoltent comme des feuilles mortes libres dans le vent. L'utilisation des crins et des cordes (surtout les guitares) est admirable mais la vraie surprise survient lors du constat de l'apport des cuivres (trombone, tuba, trompette), administrant une dimension onirique à un scénario déjà bien captivant. Les titres New Habits, Lines Upon Lines, Neon Dunes et The Bridge (il porte définitivement bien son nom celui-là) ont donc logiquement ma préférence.
Ceux qui avaient eu le bon goût et la bonne idée d'adorer Felt Mountain des aujourd'ui en inexorable errance Goldfrapp retrouveront peut-être ici certaines inexplicables ressemblances. Mais le film ou les tableaux proposés ici en musique n'existent pas. Du moins pas encore. Chacun peut donc y aller de sa palette de couleurs ou de son story board et ainsi vivre sa propre représentation. Ceux qui manquent d'imagination peuvent se contenter de la force et de la beauté intrinsèque de la musique. Y aussi bien moyen.
Effectivement la surprise est à la hauteur du sentiment de conquête à l'écoute de ce superbe album. Les chemins de la diversification entamés du côté de chez Mille Plateaux peuvent peut-être annoncer de jolies promesses. L'intemporel Habit Forming n'est lui pas prêt de quitter les abords de ma platine. Un des trucs les plus attachant que j'ai eu la chance d'écouter depuis longtemps. Même si des extraits ou une écoute intégrale en streaming est aisément trouvable, je ne peux que vous conseiller de l'acquérir dans sa version charnelle. Il le mérite largement.
par Ed Loxapac