Date : 31 mars 2012
Lieu : Mannheim (Allemagne)
Une semaine que je me conditionnais physiquement et psychologiquement pour le Time Warp 2012. Une semaine à manger des féculents, à me coucher tôt, à préparer le terrain. Tout ça pour quoi ? Pour finir par un « Game Over » à 10h du mat’. Décidément, je n’arriverai jamais à rééditer l’exploit de 2010, où j’avais réussi à tenir jusqu’à 14h de l’après-midi. Mais pourtant, cette édition 2012, fut, sans doute, mon plus beau combat, refusant toute forme de compromis. Pour y arriver, il fallait avant tout ne pas répéter les mêmes erreurs. Et cela préconise d’arriver tard à Mannheim pour éviter ses bars et ses Pils au bon gout de reviens-y. 22h15, sorti de gare, direction illico le tram pour rejoindre l’antre de la bête. Je supprime les préliminaires et fonce dans le tas.
Les règles du jeu sont immuables :
- 18h de techno non-stop
- Line-up le plus gargantuesque possible
- 6 dance-floor
- 15000 personnes
Pourtant, de micros aménagements peuvent entrainer de lourdes conséquences. La décision incongrue et non justifiable de virer le chill-out a modifié en profondeur mon parcours préalablement réfléchi. De 23h à 10h, je ne ferai ainsi aucune pause et resterai ancré sur le dance-floor, la gueule dans les enceintes, les bras en l’air.
Mais allons-y dans l’ordre et laissez-moi rétablir ce cheminement. Passé le rituel du casier, où je me décharge de mes affaires pour éviter toute perte prévisible, c’est le cœur léger, l’esprit vif et alerte, que je me dirige vers le Floor 1 pour rencontrer le diable, trois fois. Marcel Dettmann a 1h30 pour poser l’ambiance de la soirée. Je comprends vite que cette année, le Time Warp ne sera pas une partie de plaisir. Ça va bastonner à tout va. Le taulier du Berghain est un vicelard, il enchaîne les contre-pieds et fausses promesses. Sa techno organique me retourne le cerveau. Ne tombant jamais dans la facilité, il se permet des montées extatiques aboutissant au néant. Le public ne comprend pas toujours ce qui se passe, c’est donc bon signe. A 00h45, son pote Ben Klock prend la relève. Le volume grimpe de 30 décibels, la basse se fait gargantuesque. Le puits est sans fond, la chute infinie. A contrario de Dettmann, Klock n’hésite pas à titiller le public, à l’amener vers cette euphorie contagieuse. Les deux invités du Berghain ont démontré toute la puissance contenue dans leur techno anxiogène et rampante, remplie d'aspérités et de craquements hostiles. Aucune mélodie n’a tenté de s’immiscer, tout n’était que nihilisme et lutte contre soi. J’ai déjà l’impression d’avoir vécu le meilleur de la soirée mais la surprise surgit immédiatement. Chris Liebing enchaîne et va rester dans le ton. 2h d’une techno percussive et implacable. La basse me transperce les organes, j’ai l’impression que le sol s’ouvre devant moi. Ca bastonne sec, rien ne dépasse. On est à la frontière d’une techno dictatoriale. Il est 4h du matin, je n’ai toujours pas quitté le Floor 1 depuis le début. Je me fous de ce qu’il se passe à côté tant la gifle est redoutable. Mais voilà, le gros Carl Cox va enchaîner. C’est le moment de l’éviter.
Un rapide passage au Floor 3 pour entrapercevoir Laurent Garnier en formation L.B.S.. L’équipage envoie le public directement dans les étoiles. Ayant déjà vu la tribu de nombreuses fois, je m’éclipse et file faire un tour au Floor 4, un des moins intéressants de la soirée et bénéficiant d’un faible niveau sonore. Steve Lawler ne fait pas dans la dentelle et balance une techno efficace mais linéaire. Je tente alors une percée vers le Floor 6 (l’ancien chill-out) pour aller me distraire avec Jamie Jones mais cette scène est tellement petite qu’il est impossible d’y accéder. Dommage car, comme tous les ans, entre 4h et 6h c’est un peu le ventre mou. Le site est blindé, mais largement praticable (sauf les chiottes qui ont toutes décidées d’exploser), le public déambule dans tous les sens mais surtout en direction de Sven Väth et Carl Cox.
Ok, étant donné que je n’ai rien d’intéressant à me mettre sous la dent, je vais tenter de me frotter à eux. Je commence par Carl Cox. L’expérience durera près de 30 minutes et autant vous dire que c’est un exploit. Non mais quelle merde ! De la hard-house de supermarché avec des gimmicks ridicules et éculées, des samples kitsch et une ambiance de fête foraine intenable. A côté, l’enfant du pays, Sven Väth, ne me convainc pas non plus. Sa techno est une vaste masse sonore ultra compressée et digne d’une autoroute teutonne. C’est plat, sans idées et excessivement chiant. Heureusement que le visuel du Floor 2 dépote tout, ça permet au moins de s’occuper l’esprit.
Les conneries étant finies, je file voir Loco Dice. Lui aussi est converti à la techno qui ramone. Et c’est une agréable surprise tant il maitrise le sujet avec aisance. Le public est totalement conquis et ne lâche par la salle. J’enchaîne sur Adam Beyer qui joue la carte du bourrinage. Et ça passe d’ailleurs plutôt pas mal. 7h du mat’, c’est au tour du surestimé Extrawelt de proposer son live. Ce dernier se révèlera sans intérêt. Le mec fournit une prestation mal construite et reposant sur des montées aboutissant à des escapades pseudo-trancey insipides. Je m’extraie de la scène pour filer dehors et découvrir le soleil qui se lève. Les gens ont des gueules de déterrées comme dans tout festival techno à cette heure-là. La faune est des plus bigarrée et mérite le détour : clubbers teutons, beaufs venus gabber, parisiens friqués en goguettes, italiens bruyants, vieux déchirés, jeunes saoules,…
Mais il est 8h et comme chacun le sait, au Time Warp, à 8h, tu files sur le Floor 2 pour le closing-set de 6h de Richie Hawtin. Le canadien ne va pas faire dans la dentelle. Il décide de passer à l’artillerie lourde dès la première minute. La déflagration est monstrueuse. Je m’avance jusqu’aux barrières pour découvrir un monde en perdition. Noyé dans les fumigènes, la foule devient fantasmagorique. Le son est tellement fort que je danse sans bouger. Je ne tiendrai pas longtemps si près de Dieu. La lumière m’aveugle, je me retire laissant ainsi le gourou contrôler à merci les nombreux membres de sa secte prônant une techno mentale puisant sa force dans la longueur.
A côté, DJ Rush bourrine comme à son habitude. Il est 9h, c’est tout ce que le public demande. Sur le Floor 3, la surprise vient de Kevin Saunderson qui lui aussi a décidé de se transformer en bucheron. Mais papy sait s’y prendre et il gère son set à la perfection, neutralisant un à un les danseurs. Un rapide passage à la coupole du Floor 5 ou Karotte, et Laurent Garnier qui l'a rejoint, détruisent les clubbers à coup de kicks monstrueux, avant une ultime escapade à Visionquest qui me semble bien trop mou avec sa deep-house-disco pantouflarde.
Il est 10h, je ramasse sérieusement et je sais que j’ai grillé mes dernières cartouches. Le dilemme se pose alors immanquablement : partir ou mourir sur le champ de bataille ? J’ai à peine le temps de réfléchir que mes pieds m’ont déjà extrait du site. Le soleil est haut et me ramène avec violence à la réalité. KO debout.
Review du Time Warp 2011 --> ICI
Review du Time Warp 2010 --> ICI
par B2B