Sortie : 18 juin 2012
Label : Delsin
Genre : Techno, électro
Note : 7,5/10
Niels Luinenburg officie derrière les platines depuis une poignée d’années. Plus connu sous l'avatar de Delta Funktionen, le hollandais fait partie de ces DJ misant sur une techno sourde et mentale lors de leurs sets. Récemment, il a sorti Inertia, mix terrifiant, vortex annihilateur. Mais ce qui fait la marque de Delta Funktionen, c’est son entêtement à puiser dans l’esthétique sonore des 90’s, chipant autant dans la techno de Detroit que la house de Chicago. Après une pluie de maxis, logique de retrouver notre bonhomme derrière un album, un vrai.
Traces risque d’en rebuter plus d’un étant donné le parti pris résolument old-school de l’entreprise. Les plus jeunes d’entre vous risquent fort de trouver cet album complètement anachronique, si ce n’est daté, et d’ailleurs, il sera difficile de les contredire. Niels Lunienburg n’en a rien à foutre des codes en vigueur du milieu techno, il préfère les contourner, les pervertir, les malaxer, pour mieux les ignorer. Le résultat est autant atypique que fascinant.
On pense souvent à la tentative de Kraftwerk de rendre les émotions robotiques tangibles, à l’électro 80’s synthétique de Drexciya à Afrika Bambaataa et à la techno de Detroit,période UR. Alors non, ce n’était pas mieux avant (ceux qui disent cela sont des vieux cons de conservateurs) mais force est de reconnaître que le mixage de Traces rend honneur à ce temps perdu. La qualité sonore de l’album est sa principale force. L’absence de compression permet de distinguer le moindre claquement, le moindre beat. L'album vit littéralement entre vos oreilles.
Moins techno qu’on aurait pu le croire/vouloir, Traces développe principalement des motifs électro synthétiques à l’image d’Enter, reposant sur la modulation infinie d’un son acide (la mythique 303 est omniprésente) pour aboutir à l’abandon physique et mentale. Et là où aurait pu poindre rapidement une certaine lassitude, l’effet inverse se produit, aboutissant à une transe antique. Le fait de se reposer principalement sur des motifs simples et des variations acides transforment l’album en objet incontrôlable. On l’observe se mouvoir seul dans l’espace, totalement ahuri par cette absence de compromis comme le démontre les 10 minutes libératrices d’On A Distant Journey.
A côté de cela, le bougre de Niels réussit tout de même à sortir 3 titres techno consécutifs malins et rugueux. L’enchaînement de Redemption, Target et And If You Know permet de se retrouver pendant 20 minutes en pleine trip temporel. Cette fois-ci, l’ossature est actuelle et convoque les démons de la techno sourde et suffocante avant de brillamment mélanger les genres en introduisant les sempiternelles élucubrations acides.
Avec Traces, Delta Funktionen envoie chier la totalité de la scène techno, démontrant qu’un pont est possible entre les 90’s et 2012. Le pari était risqué, il le demeure. L’album risque fort d’en dérouter plus d’un mais le voyage temporel audacieux mérite largement le détour.
par B2B