Sortie : 17 octobre 2011
Label : Raster Noton
Genre : Proto-techno-minimaliste
Note : 9/10
Alva Noto va finir par avoir notre peau. Alors que nous sommes en train de vivre une évolution sonore fulgurante depuis l’explosion des architectes dans le milieu de la musique électronique (de Kangding Ray à Hecq), Alva Noto vient prouver, une fois de plus, que lorsque le son décide de jouer avec l’espace, il peut alors devenir la drogue la plus puissante qui soit. Déjà, son récent projet, avec le pianiste Ryuichi Sakamoto (chronique ici), avait permis de remettre la notion de silence au centre des enjeux acoustiques. Mais le boss de Raster Noton n’a jamais pu se figer sur une seule esthétique sonore et même si la totalité de ses travaux relève essentiellement de l’art contemporain, il n’en demeure pas moins qu’ils sont aussi de puissants exercices sensoriels dont l’impact sur le long terme finira bien par éclater un jour à la face du monde.
Univrs n’est pas seulement le 8ème album solo d’Alva Noto, c’est sans doute son travail le plus abouti et le plus accessible à ce jour. Et n’allez pas croire pour autant qu’accessible soit ici synonyme de raccourcicement des expérimentations. Chaque album d’Alva Noto répond à une exigence intellectuelle, comme si l’Allemand était obligé de s’infliger des garde-fous afin de mieux maitriser son art. Univrs a ainsi pour optique de proposer une réponse sonore à la différenciation conceptuelle d’un langage universel. L’intitulé pourra paraître pompeux pour certains et en soi, ils n’auront pas tort car ce qui nous intéresse uniquement ici c’est la résultante auditive.
Un bug informatique peut-il être musical ? Tel est plutôt la question que l’on pourrait se poser. Univrs ne repose sur aucune mélodie, sur aucun artifice superfétatoire. Exit aussi l’utilisation de séquenceurs puisque Alva Noto bosse uniquement ses compositions à base d’oscillations et de modulations de fréquences. Il en résulte une proto-techno absolument fascinante tant elle est propice à l’abandon physique. Pour faire simple, caler moi cette album sur un sound-system digne de ce nom et je deviendrai dingue car pour la première fois, Alva Noto se révèle dansant. Oui, dansant. Une grande partie des morceaux fonctionnent sur un principe immersif imparable. Tout en tension, les bruits de parasitages informatiques finissent par emplir totalement l’espace sonore, tout en s’appuyant sur une rythmique répétitive. Le verdict est sans appel, on approche du monstre sonore capable de vous catapulter vers des sphères encore inconnues. L’aspect anxiogène de l’ensemble prouve la capacité d’Alva Noto à bidouiller avec une intelligence vicieuse des sons aucunement destinées à la musique. Pire, l’écoute d’Univrs n’est en rien désagréable, bien au contraire, tant le pouvoir de fascination opère pendant que vos jambes tremblent mécaniquement.
Musique totalement acquise à une vision monochromatique du monde, il est impossible d’isoler un morceau. Tout au plus peut-on s’attarder sur Uni Acronym, performance live s’appuyant sur la participation d’Anne-James Chaton. L’artiste français déclame ainsi à la suite 208 acronymes conférant au morceau un pouvoir d’hypnose et continuant ainsi son travail sur la « littérature pauvre » (explication avec la chronique d’Evènements 09 ici). Pour le reste, mieux vaut se laisser happer par Univrs dans son ensemble.
Plus qu’un simple album de musique expérimentale, Univrs est un manifeste pour le futur de la techno (après Emptyset et Kangding Ray cette année, on ne peut que s’incliner devant tant de propositions audacieuses). Ne soyez pas rebutés par l’esthétique d’Univrs, prenez le risque d’y plonger les yeux fermés et vous verrez de quoi est capable la musique électronique en 2011.
par B2B