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  • : Chroniques électroniques - Chroniques de disques, de concerts, de festivals, de soirées de musiques électroniques, rap et bien d'autres...
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25 août 2011 4 25 /08 /août /2011 11:44

Sortie : août 2011

Label : Alpha Pup

Genre : rap abstrait / DJ beats

Note : 8/10

 

Quand Alpha Pup ne distribue pas Brainfeeder, c'est pour sortir des disques plutôt dans la lignée du label de Flying Lotus. Nouvel exemple avec cet album de Kone, premier de ce résident de Los Angeles, qui joue toutefois plus avec les samples qu'avec les bleeps, un style qui rappelle RJD2 ou le très bon LP de Pablo (chroniqué ici). A noter que le titre The Tractatus est inspiré des travaux philosophiques du Viennois Ludwig Wittgenstein sur le langage et la logique, dont les idées ont inspiré la musique de l'Américain... et quelques interludes.

 

Grosse basse, voix samplée et bidouillage de boucles, le disque fait tout de suite penser à un album de DJ avec des collages originaux et un sens efficace de la ligne qui percute. Ce n'est toutefois qu'avec New Los Angeles, troisième extrait, qu'il nous fait véritablement entrer dans son univers aux reflux synthétiques, rythmes downtempo, guitare rythmique blues-rock et cette voix qui nous fait la visite. Les sons un peu crades donnent une impression de bricolage de fond de garage. Happenings définit parfaitement cet univers fait de bout de matières assemblées les unes avec les autres pour former un attelage atypique mais qui fonctionne, notamment grâce à ces cordes passées à la ponceuse. Le sens du groove de Kone se dégage rapidement avec ses claviers funky démantibulés qui nagent sur Chunky Dust dans les craquements poussiéreux. L'album a la patine des vieux 33 tours, la malice d'un as de la MPC et quelques secrets de fabrication. Alors quand sur Cheese Grater l'Américain fait claquer sa batterie de tous les côtés, il fait penser à un DJ Shadow qui se remettrait mal de sa méchante cuite de la veille.

Le reste n'est que poésie (Wax & Wane), vieilles rengaines folkloriques frappées au shaker (Destiny Manifest), barouderies dans une boîte vietcong (Laws Of Nature) ou découverte de nouvelles substances efficaces (New Definition). Kone ne s'embarrasse pas de subtilité pour donner vie à ses visions trippées aussi brutales que spontanées et c'est ainsi qu'il emballe notre imagination et nous entraîne dans ses virées nocturnes improvisées. Les nuits se finissent alors toujours, bouteille à la main, à réécouter de vieux vinyles sur la platine d'un inconnu bienveillant tout juste rencontré. Le guide nous rattrape toutefois régulièrement, marquant les blancs de ses pensées sur la vie. Les heures semblent des jours, le soleil ne se lève plus vraiment et tout sombre dans une apesanteur fluide. Light On The Kid fait figure de remontant, celui nécessaire pour reprendre la voiture et affronter les interminables avenues de LA et repartir pour d'autres pérégrinations où les claviers bluesy d'anciens clubs de jazz retentent de trouver leur entrain d'antan.

 

Kone maîtrise son errance urbaine à coup de caisse claire précise et de samples dénichés au fond de vieux cartons oubliés. Un mélange qui sent le vécu et la gnôle, le bruit et la fureur assagie, mais révèle surtout un sens du beat ébréché qui ne vous lâche pas !

 

http://www.alphapuprecords.com/art/669158523177-300x300.jpg

par Tahiti Raph

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24 août 2011 3 24 /08 /août /2011 11:15

Sortie : août 2011

Label : Anticon

Genre : électronica

Note : 7/10

 

Sixième album pour l'un des fondateurs d'Anticon après Resurgam (chroniqué ici) en 2008 et la production du Fallen House Sunken City de B. Dolan (ici) en 2010. Toujours aussi solide, l'électronica d'Alias se pare de touches sombres et de nappes aériennes.

 

Le son de l'Américain est dense et entraînant. Il peut être rêveur (Goinswimmin) ou guerrier (Revl Is Divad). Il sait délaisser ses habits de producteur rap pour avancer dans des constructions plus riches et plus subtiles, sans en faire non plus trop. C'est d'ailleurs ce qui manque parfois à Alias, quelques passages plus forts pour booster le tout. Il reste donc très homogène en mariant les sons avec soin, en avançant avec tact et mesure. Claviers, samples de voix et instruments sont conviés pour fournir la matière à des morceaux équilibrés et prenants. Dahorses - en compagnie de DJ Mayonnaise au synthé - laisse ainsi une batterie clinquante qui se renouvelle régulièrement ordonner des paysages scintillants, fruits de vapeurs de produits toxiques qui se répandent dans l'espace. Jamais trop abstrait, le disque garde toujours les pieds sur terre pour déployer des mélodies douces à l'oreille... avec un petit raté sur Talk In Technicolor où la voix R'n'B de Dax Pierson de Subtle est assez mièvre.

Face au côté charmeur, une vision plus introspective se développe aussi. Le très sobre Lady Lambin' donne de la profondeur et invite par exemple à prendre du recul tandis que Boom Boom Boom envoûte par ses puissantes percussions et ses voix opposées qui se répondent sans se comprendre. L'Américain s'y connaît en terme d'efficacité et le prouve par quelques extraits rentre-dedans, au bon sens du terme, qui dynamisent l'écoute. Il force notamment les nuques à remuer avec son Tagine qui rassasie les enceintes amatrices de gros beat. Ce morceau fait partie du trio final qui termine de convaincre que cet album vaut le détour. Le lumineux Sugarpeeeee aux harpèges enchanteresses et le tendu Wrap concluent en effet cet album avec passion.

 

Alias reste toujours une valeur sûre même s'il se renouvelle peu et ne hausse pas vraiment son niveau. Fever Dream ne doit donc pas être négligé.

 

http://www.albumoftheyear.org/album/covers/fever-dream.jpg

par Tahiti Raph

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23 août 2011 2 23 /08 /août /2011 18:29

Je profite de ma récente et mouvementée arrivée à Strasbourg pour rencontrer les gens du coin, surtout lorsqu'ils sont sympatiques et qu'à fortiori ils sortent ces jours-ci un album chez le label phare de Chicago : Tympanik Audio. C'est donc autour de quelques boissons houblonneuses que Normotone s'est prêté au jeu des questions réponses. Play, en français mais aussi dans la langue de Shakespeare. La chronique de son album sera elle publiée dans quelques jours.

 

Tout d'abord, peux tu nous parler de ton arrivée dans la musique et de tes influences ?

Déjà, je suis un amoureux du son depuis 1986. J'ai commencé par me mettre à la cold wave grâce à ce que tout l'Angleterre était en mesure d'apporter à l'époque. Donc forcément des groupes comme The Cure, Bauhaus, Joy Division ou Siouxie and the Banshee. Des groupes plus confidentiels de la scène française aussi, avec beaucoup d'EBM, plus particulièrement venus du label Pias. Et puis je suis venu logiquement aux musiques industrielles, avec des groupes comme Klinik et beaucoup d'autres. J'ai acheté mon premier synthé en 1993. On a formé un duo avec un pote, très influencé par la dark EBM du début des années 1990. On s'est séparés en 97. En 2004, j'ai fait partie de l'aventure Neon Cage Experiment jusqu'en 2006. C'était une formation extrêmement riche en terme d'expérience. On était quatre avec une culture, des bagages et des influences très diverses. C'était donc très enrichissant mais ça m'a permis de me rendre compte que j'étais trop associal pour faire partie d'un groupe. J'avais déjà commencé à travailler mon son en solo à cette époque là. Normotone est né de là, sans pour autant fermer la porte à des collaborations spontanées et volontaires pour prendre part au concept. Ce qui a le mérite de se soustraire à la gestion d'un groupe ou le travail en équipe qui n'est définitivement pas ma tasse de thé. Donc voilà, Normotone est une démarche solitaire mais ouverte aux autres points de vue. Je précise d'ailleurs que les différents intervenants ont sensiblement élargi mon horizon musical.

 

Could you tell me about your influences, and your musical background ?
I've been a music fan since 1986, at the time I was listening to cold-wave and british rock bands such as The Cure, Bauhaus, Joy Division, Siouxie and the banshee. Then I started listening to french cold-wave, very underground bands, most from the Play it against Sam label, EBM style music. And I discovered also Industrial music, Klinik, and many more ...
I started playing music in 1993, buying my first synthetiser, we formed a duo with a friend, in the "Dark EBM" style, influenced by Germand electronic stuff from early 90's, and we split in 97.
A new musical entity was born in 2004 called Neon Cage Experiment which ended in 2006. I learned a lot about this experience because the 4 members of the band had really different background and personality, which was great because we had a lot to share, but we didn't have the same vision and we couldn't get the tracks done. I realized I was too asocial to be part of a band, so I started doin music on my own, that's how Normotone started. But the concept was to be open to collaborations with other people, and on the other side have control on the music by doing most of it alone. Working with other people is rewarding cause you get different point of views.

 

Tu n'es pas le seul à officier dans ce genre de sons à Strasbourg. Comment qualifierais tu tes relations avec les gens du cru et du coin ?

C'est marrant parce que je me prends parfois à rêver que sur Strasbourg, on pourrait prendre une photo à l'image de la Sécession viennoise avec tous ces artistes dans une même pièce. Je pense qu'on en serait capables. On agit en parfaite intelligence les uns envers les autres même si on fait pas forcément la même musique. Certains sont des proches, d'autres juste des amis. On est toujours contents de se retrouver pour collaborer ou pour simplement bouffer ensemble chez les uns ou les autres. Il y a eu un effondrement au début des années 2000 à Strasbourg, mais les gens d'Audiotrauma ont redressé la barre. Il y a maintenant des gens de ma génération qui sortent leurs propres trucs. Comme Ex_Tension, qui sortent leur album en même temps que moi chez Tympanik. Je vais bouffer chez eux ce soir, on va pouvoir en reparler (rires). On n'est pas du tout entre nous dans une logique de compétition, on peut parler d'émulation tout au plus.

 

You don't seem to be the only one in that music style in Strasbourg, could you tell us about your relations with the city's musical scene ?
Well it's funny cause sometimes I think we could take a photo of all the artists from Strasbourg together, like they did it during the Vienna Cessation. We get along really well with each others, even if we don't play the same music, the same genres, we have lots of chats, dinners etc ... Some people are close friends. There was a bit of a down in the Strasbourg scene in the early 2000's but with the help of Audiotrauma there's been a real resurrection of electronic music there. I talk about artists like Ex_Tension, who signed on Tympanik like me, at the same time.

 

http://www.technodisco.net/img/artists/big/n/normotone.jpg

 

Transition idéale. Comment s'est fait le raccord avec Tympanik, label américain qui signe en même temps deux projets qui viennent du même endroit ?

A la base, Tympanik a eu vent de mon existence parce que j'avais travaillé sur un remix d'Ex_Tension sorti à l'époque chez M-Tronic. Pierre-Yves Hohmann d'Ex_Tension avait alors demandé à Paul Nielsen (boss de Tympanik) s'il était intéressé par leur travail. Et Paul aurait répondu à Pierre-Yves que si tout ressemblait à du Normotone, alors il n'y aurait pas de problème pour envisager une signature chez Tympanik. Puis pendant un an et demi plus rien ne s'est passé. Ex_Tension a ré-édité son album par le biais de Signifier, le nouveau label de Shannon Malick. En fait, tout s'est passé en 48 heures. Signifier et Tympanik étaient chauds pour sortir mon album. J'ai retenu Tympanik même si je garde d'excellentes relations avec Signifier. Je vais d'ailleurs poser un titre sur la prochaine compilation du label. Et Tympanik a également proposé à Ex_Tension de re-sortir Desert avec des remixes. Voilà, ça s'est fait comme ça. Après, je pense que l'intérêt que voue des labels américains à notre musique est dû à l'enracinement culturel européen pour cette musique. Culture beaucoup plus jeune pour les Américains. Peut-être apportons nous en tant que français une fusion manquante. Sans pour autant parler de "french industrial touch" (rires).

 

So how did you get in touch with the Tympanik Audio label ?

Well, I did a remix for Ex_Tension on an album released on M-Tronic. Pierre-Yves (from Ex_Tension) asked Paul Nielsen, Tympanik's boss, if he would sign him for an album. Paul answered he would, if every track sounded like my remix. I never heard of him again during a year and a half. Signifier, Shannon Malick's new label re-released Ex_Tension's album. Then, at the same time, Tympanik and Signifer contacted me to know if I was interested in signing for an album. I chose Tympanik but I keep good relations with Signifier. I'll give a track for the label's next compilation. I think americans are interested in european electronic music more and more, maybe because of european's older and various musical roots. Maybe we bring something new... without talking about a "french industrial touch" (laughs).

 

Peux-tu nous parler de la gestation de cet album et de ce que tu souhaitais obtenir comme résultat ?

Il y a des morceaux que j'avais déjà composé à l'époque de Neon Cage Experiment. J'avais envie de faire psycholgiquement un retour sur mes différents coups de foudre musicaux. C'est un peu macabre comme constat, mais cet album représente un peu un héritage, un testament, ce que je voulais laisser comme trace au cas où j'étais amené à mourir du jour au lendemain. Je voulais y mettre de ma personnalité, et de mes influences sur une période de plus de vingt ans. Voilà pourquoi l'album sonne comme un gros bordel sonore très hétéroclite. Je pense que les gens un peu plus vieux vont voir ça un peu comme un jeu de piste. C'est un album qui part dans tous les sens. Je peux humblement dire que ça peut ressembler à certains travaux de Foetus. Il y a même quelqu'un sur facebook qui m'a dit que ça lui vait fait penser à Coil, surtout pour le côté inclassable. Inutile de dire que je l'ai plus que pris comme un compliment. 

 

What was your vision of the album, at the start ?
I started just at the end of Neon Cage Experiment and I tried to make something really different. Something that could bring together my influences, and also my personality. Like a musical translation of 20 years of my life. It's not far from Foetus works, and also someone told me it sounded like Coil, in the way that you can't pigeonhole this music: it can be cold-wave, folk, old school industrial... 

 

A-920032-1307996979.jpeg

 

Quand on l'écoute, on sent que ce n'est pas l'album d'un mec de 25 ans qui a voulu faire une démonstration technique, que c'est quelque chose de très personnel. Que peux-tu répondre à ça ?

C'est quelque chose qui est complètement assumé. Je ne me sens absolument pas dans l'ère du temps à tel point que je suis étonné qu'un label comme Tympanik ait pu me signer. Je me vois presque comme le mouton noir de cette équipe. Paul (Nielsen) m'a même dit que que mon album était le plus spécial des releases de Tympanik. Quelque part on sait à quoi s'attendre avec leurs sorties, on sait qu'on ne trouvera pas quelque chose qui va complètement nous déstabiliser. C'est un label que je respecte infiniment et je suis presque surpris au final du choix de Paul. Mais en effet je pense qu'il faut avoir 40 ans pour faire un album comme ça (rires).

 

When we listen to your album, we feel that it's not the work of a 25 years old guy who wanted to do a technical demonstration. Do you agree ?

The album really sounds like the work of an experimented musician, it doesn't sound like what a 25 years old guy would do. It's not a technical demonstration, there's something more emotional. I'm not trying to be part of a trend, and in fact I feel like a black sheep on Team Panik cause I make something very different from the other artists, but I'm glad to be on this label. But you're right, for sure you gotta be 40 to make this kind of album ...

 

Si je te dis que c'est un album qui est à la fois dérangeant, ambivalent et complètement anarchique, est-ce que ça correspond à la vision que tu en as ?

Déjà cette analyse me réjouit au plus haut point, car il y a un travail là-dedans que je n'ai pas évoqué pour l'instant. Un travail mémoriel, qui en littérature par exemple peut être très déstabilisant. Si on prend un roman de Claude Simon, il nous fait voyager à travers, non pas une chronologie d'éléments temporels rassurants, mais par le biais de références basées sur son vécu. En définitive, il n'y a plus d'échelle temporelle. On suit un fil conducteur basé sur la mémoire, les associations d'idées, et on aboutit nécessairement à de la confusion, une sorte d'arborescence extrêmement complexe, qu'on est le seul à pouvoir maîtriser. L'aspect anarchique de mon album vient d'un travail musical, basé sur le travail de la mémoire, complètement introspectif. Un auditeur ne peut percevoir l'album comme je l'ai conçu, et heureusement. Maintenant ma grande question est : comment va-t-il être perçu ?

 

If I tell you the words: deranged, anarchic, ambivalent, would that fit in your vision of the album ?
Yeah, I really like this analysis . For me, it's a memorial work, like Claude Simon does it in litterature. He doesn't follow only one chronology, one time line, he makes you travel by relating each event and feeling of his life to a memory, like an arbouretum. The album was written in the same spirit, when I started a track I didn't have a plan, I'd just find a sound that brings me back to a musical memory, and then build on it with what comes in mind. That's maybe why it sound anarchic. It's really introspective, not meant to please the listeners. There are different layers, listening levels to each song. People won't perceive the same thing I did, while listening to it, so I'm wondering how they will receive it ...

 

Est-ce que ce n'est pas dangereux, d'un point de vue psychologique, de concevoir ce genre d'album ?

Non, je trouve que c'est une thérapie formidable. La démarche artistique, à mon sens, nécessite d'extérioriser des choses, positives ou négatives. Les autres formes d'art ne me touchent pas. La musique que j'ai voulu faire, au contraire, est une forme de catharsis, qui me fait au quotidien beaucoup de bien. Là où c'est dangereux c'est dans la perception de l'album par le public. Ou dangereux pour le label (rires).

 

Isn't it dangerous, I mean psychologically, to make this kind of album ?
No, it's a great therapy. The real artistic way to do music is to express emotion, get some feelings out, I don't think there's other way to make art, and if there is, I'm not interested in this. It's a form of cathartis. If something's dangerous, it's more to listen to the album than to make it, so it's more about the people's perception ... and the label took some dangerous risk in signing me too ! (laughs)

 

http://userserve-ak.last.fm/serve/252/28057751.jpg

 

Finalement, l'omniprésence des voix n'est-elle pas là pour humaniser l'album, pour contraster avec l'aspect terrifiant ?

Je pense déjà que l'on est terrifié que par ce que l'on ne connait pas. On a l'impression de pénétrer un univers qui est terriblement passionnel et terriblement humain, que du coup on ne maîtrise pas du tout. A la base dans mes goûts, j'ai toujours écouté des groupes "à voix", que ce soit Siouxie ou Ian Curtis avec Joy Division. L'intervention de la voix ne faisait que compléter l'univers que j'avais plus ou moins défini. Mais la voix sert quand même de modération parfois, dans la mesure où j'ai confié des morceaux à des collaborateurs, sans avoir aucune idée du résultat. Certain on changé leur propre registre pour s'adapter à ma musique, tout en apportant leur patte. Cela apportait une toute nouvelle dimension, quelque chose de plus large au titre initial. La voix en elle-même apporte d'autres émotions qui ne sont pas les miennes et que je n'ai pas controlé car tout le travail s'est fait à distance. Je n'ai rencontré qu'une seule personne sur les six avec lesquelles j'ai collaboré. Il s'agit de Laurent Kistler aka KL. Mais ce qui est affolant c'est que les gens à qui j'ai confié des morceaux en on vraiment compris la nature même, se le sont approprié et ne l'on pas trahis dans leur façon de travailler. Je tiens encore tous à les remercier.

 

Does the vocal featurings on the album have something to do with an attempt to humanize your music, to make it less scary ?
Well, one's only scared by what one's doesn't know. My "musical psychism" is maybe the reason of this scary side. I've always been fan of bands with vocals: Bauhaus, Joy Division, Siouxie. Vocals are there to complete the musical universe I created. I really didn't know what the people I chose to work with could do on the tracks, I never saw them for the recordings, save Laurent Kiessler. Some of them even changed their singing style to fit in what I made, they really understood the spirit of the album and did a great work.

 

Les oppositions entre le lumineux et le sombre, le beau et le laid, toutes ces ambivalences, d'où ça vient ?

Je pense qu'on peut tous s'enrichir mutuellement en accédant à un niveau spirituel supérieur, c'est ce qui nous différencie des animaux. Et le contraste fait partie intégrante du concept de l'album. Je pense que ces deux sphères communiquent entre elles et sont un peu obligées de cohabiter. L'avantage de la cohabitation c'est aussi qu'on n'a pas à faire le choix entre les deux pôles. Mais c'est comme pour l'équilibre social en fait, on ne peut pas exister dans cette société sans cette union des forces opposantes, sinon on est de suite marginalisé. C'est peut-être la cohabitation de ces deux sphères en musique, sur un album, qui rend ça effrayant. 


The opposition between Light and Darkness, Pretty and Dirty, where does that come from ?

 I think we all can reach a high level of spiritualism as much as we can be pure animals, the contrasts is part of the whole concept. It's more of a communication between the two sides, light and darkness, find a coherence and never let a track chose between those two. It's like the social equilibrium, you cannot live in society without having boths opposites, or you are marginalized. But maybe showing the two faces on an album is a bit scary.

 

As-tu eu "carte blanche" pour la conception vis à vis du label ?

On s'est beaucoup entretenus avec Paul. Chacun a bien joué son rôle. Il m'a signalé les morceaux qu'il trouvait trop faible ou pas assez travaillés. Je ne l'ai pas mal pris, ça fait partie du jeu. Il fait son boulot de label manager et m'a laissé le temps de peaufiner mon bordel. Avec le recul je lui en suis même reconnaissant car ça m'a permis d'être encore plus exigeant avec moi même. Il y a même des morceaux que j'ai complètement recommencé. Pour l'artwork, on a collaboré avec un pote artiste que j'estime énormément. Le genre de mec qui a un talent énorme et qui ne s'en rend même pas compte. Ou pas assez. Surtout en ce qui concerne ses qualités de compositions. On a fait un compromis pour que tout le monde soit content. Au départ, on avait fourni une version que Paul ne trouvait pas satisfaisante. Pas assez représentative de ce genre de productions.


Did you have total control over the album process ?

I talked a lot with Paul from Tympanik, we boths knew our roles from the start, he suggested me to take away some of the tracks, work harder on others, I didn't feel bad about it at all, he did his job, and gave me the time I needed to do my stuff. I agreed on this working process because he was right, and he helped me become more demanding about myself. For the artwork, I worked with really great people too, but I had to make some compromise, even if I like the actual cover, so it didn't bother me.


Pour quelq'un qui vient de la cold wave, de l'indus à l'ancienne, la musique électronique ça représente quoi pour toi ?

Il y a des choses vraiment extraordinaires. Il y a eu énormément de progrés, liés à l'évolution et à l'utilisation de la technologie mais pas seulement. J'ai surtout un problème avec les musiciens électroniques qui font dans la malhonnêteté intellectuelle. Y a tellement de trucs pourris qui font du mal à la musique électronique. Parce que voilà, ce genre est sans limites et ça va tellement plus loin que tous les malheureux clichés qu'on a l'habitude d'entendre. Du genre y a qu'à appuyer sur un bouton... la musique électronique est capable de transmettre de superbes émotions. Je suis très client, même plus que ça des travaux de Ben Frost ou de Soap and Skin, et puis du côté du mainstream je peux même citer Björk. Je ne me fixe pas vraiment de frontières au niveau des genres que j'écoute, ça va de la musique de chambre aux formations guitares/basses/batterie plus classiques. J'ai par contre renoncé à écouter de l'electro dark ou de l'EBM.


For someone whose coming from the cold-wave and old school industrial scene, what does electronic music represents today ?
There are really amazing things, touching things, there's been a lot of progress, I'm talking about hardware but also people making electronic music. I'm just a bit bored that any electronic musician can get stuff out, cause some of it shouldn't be . Electronic music has no limits, and contrary to the old clichés about the genre, it's meant to express emotions. I really like Ben Frost and Soap and Skin for example but also mainstream artists like Bjork. I can listen to chamber music as much as Bass/Drums/Guitar bands. I stopped listening to dark electro or EBM.

 

J'ai l'impression que tu as une véritable passion pour les voix de femmes. D'où ça te vient ?

Probablement de ma part féminine (rires). Mais c'est vrai, il y a des interventions féminines sur l'album. Je trouve qu'elles sont bien meilleures que les hommes pour retranscrire quelque chose de l'ordre de la fragilité ou de la vulnérabilité. Les voix d'hommes sont par contre excellentes pour exprimer la tristesse.


I see you have a passion for female voices, where does that come from ?

I don't know, maybe my female side (laughs) . You're right, there's 2 women on the album, singing. I think women have a secret to express feelings better than men, like fragility, vulnerability. Men's voices are more about sadness...

 

http://tympanikaudio.com/wp/wp-content/uploads/2010-12-20_011-web.jpg


Si tu pouvais dire quelques mots à ceux qui vont écouter ton album...

Bonne chance tout d'abord (rires). Je ne pense pas que ce soit un album destiné à un auditoire particulier. Chacun pourra y trouver quelque chose d'inétressant. Je baptise moi même mon son comme de la musique pour "cul assis". Il faut juste avoir du temps pour y plonger et être équipé d'un bon casque d'écoute. Je dirais qu'il ne faut pas l'écouter en version mp3 pourrie car c'est très introspectif, midtempo, pas le genre de trucs que tu vas écouter en club. C'est définitivement une thérapie personnelle pour moi, sans aucun compromis.


Have you got something to say to the people who will listen to your album ?

Good Luck ! (laughs) I think you gotta know this album is not made for a particular audience, everybody can find something interesting in it ... I think my music is for "sat down people", I mean that you have to take the time, get a good pair of headphones ... Don't listen to it on low quality mp3s, it's really introspective, mid-tempo tracks, not the kind of stuff you hear in the clubs. It's a personnal therapy, sincere, with no compromises.


Jouer en live, c'est un truc impossible pour toi ?

Dans l'état actuel des chose oui. Mais si on me proposait une partie visuelle associée, où la video pourrait prendre une vraie place, j'aurais probablement un autre discours. J'ai pas envie de me foutre du public en lisant mes mails derrière mon laptop pendant que j'appuie sur des boutons. Je sais pas si j'en ai les compétences et de toute façon, c'est vraiment pas un truc impératif pour moi. Si un jour il y a un projet intéressant et interactif, on en reparlera.


Does the live performance feels impossible to you ?

Right now, yes. My dream would be to propose a visual show with the music, where the video would take a really big place. I won't ever play live on laptop, looking like I'm reading my mails, like some others do. I find it a bit ridiculous, even if the music's good, I can't get interested watching a guy looking at his screen the whole concert. I haven't the knowledge of hardwares to play stuff live too, so it's not an imperative for me, but if someday I can make that kind of project, why not, if it's interesting...

 

http://todomusic.net/uploads/posts/2011-08/1312232611_76f300ee-3902-4ae4-819c-c10b2d81fdce.jpg

 

propos recueillis par Ed Loxapac

transcription par Manolito

traduction par Hank Above Skies

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23 août 2011 2 23 /08 /août /2011 11:38

Sortie : 22 août 2011

Label : Kompakt

Genre : Techno, house, electro-pop

Note : 7/10

 

Prétendre que l’on attend de pied ferme la nouvelle fournée annuelle de la compil’ synthétisant l’essence de la maison Kompakt serait mentir. Le label de Cologne ne fait plus figure de tête chercheuse depuis belle lurette. On serait même tenter de dire que Kompakt, aujourd’hui, n’arrive pas à suivre la cadence imposée par les ténors. Cependant, il arrive à garder cette aura lui permettant de fidéliser un public jamais démenti. Kompakt a tout de même marqué la sphère techno du début des années 2000 via une ouverture musicale rarement critiquable et rien que pour ça, on ne peut rejeter en bloc les sorties actuelles. Il ne nous reste plus qu’à prendre le pouls de l’écurie teutonne avec ce Total 12.

 

Et ça commence très fort avec la superbe électro-pop aérienne de Waiting For de Kolombo. Tellement fort qu’on se doute bien qu’il va être difficile, sinon impossible de maintenir une telle cadence d’autant plus quand on a l’habitude des compils Total et de leur structure progressive. Pourtant, le Every Minute Alone lentement ascensionnel de WhoMadeWho remixé par Michael Mayer ne déçoit pas. Le conditionnement étant parfait, il n’y a plus qu’à se laissé porter. Au petit jeu des tracks imparables,le même Michael Mayer se révèle redoutable avec son vicieux That’s What I Told Sanchez pendant que Gui Boratto livre un The Drill tout en saturation et tout en gardant son éternel côté trancey. On regrettera seulement le fatigant morceau de l’habituellement irréprochable Matias Aguayo. Son I Don’t Smoke se révélant épuisant en moins d’une minute.

Mais gardons le meilleur pour la fin avec un Playground Altona de Coma aux relents trance et prompt à vous coller le sourire pour la journée. Le type même de morceau taillé pour un DJ set à 6h du mat’ sur la plage. Jusque là, on naviguait cependant en terrain connu et c’est bien là le reproche que l’on peut formuler à Kompakt depuis quelques années : l’absence de prises de risques, de propositions un tant soit peu plus audacieuse. Pour cela, il y a heureusement Wolfgang Voigt qui démontre avec Frieden que l’ambient-techno peut être ce court moment d’apesanteur conjuguant envol poétique et parabole hypnotique.

 

Ce qu’il y a d’agréable avec les compils Total, c’est que l’on n’est jamais déçu. Tout au plus peut on rester légèrement sur notre faim. Total 12 reste fidèle à l’esprit de la série. En 12 morceaux, Kompakt démontre sa volonté de rester une référence. En cela, le label s’en sort plutôt bien. Mais une bonne compil' par an (ne soyons pas non plus ingrat, ajoutons y aussi les Pop Ambient) ne suffira pas à nous faire oublier que Kompakt n’est plus le label qu’il était.

 

http://linetechno.net/wp-content/uploads/2011/07/VA-Kompakt-Total-12-300x300.jpg

par B2B

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21 août 2011 7 21 /08 /août /2011 14:27

Sortie : juillet 2011

Label : Halbsicht Records

Genre : IDM blanche et mélancolique

Note : 8/10

 

Danny Prusseit forme avec Toni Polkowski le duo Atmogat, auteur d'un premier album, Trigger Event (ici), sorti sur Impulsive Art. En 2007, le Berlinois éprouve l'envie de développer l'aspect émotionnel de ses sons et ainsi de composer seul. De son projet solo, DNN, aboutit un premier et très bon album, Try To Fell, que produit Halbsicht Records. A ce label allemand, nous devons entre autres certains travaux des excellents Mnemonic (aujourd'hui séparés et dont le dernier album est chroniqué ici). Outre un EP réalisé ensemble, notre homme et le duo ont certains traits communs. Ethéré et introspectif, le deuxième essai de DNN, When Things Stop To Move, porte sur le sentiment de perte.

 

Plus âpre qu'un Winterlight (ici), plus désespéré que Known Rebel (ici) et plus sombre que Mnemonic, DNN pourrait pourtant être rapproché des trois, excellant dans ce type d'électronica downtempo où le glitch est roi et l'essence, mélancolique. Danny Prusseit traite de souvenirs qui se dissolvent, des sourires indélébiles et du peu qu'il reste. Les limbes d'ambient flottent entre une torpeur inguérissable et la clarté foudroyante de joies passées. Un piano fugace, des cordes caverneuses accordent aux manipulations minimalistes de DNN une profonde dimension intimiste. Les échos grandissent, le ressac charrie la brulure d'éraflures encore vives, et l'on fini par s'abandonner à la brume épaisse d'un état comateux. Voilà le type d'émotions que dispense When Things Stop To Move. Mais DNN ne décrit pas une fade sinistrose. Sa mise en musique de la ruine personnelle est superbement orchestrée, et l'ambivalence divinement mise en exergue. Le travail rythmique, proche du click'n'cut, s'auréole de bruits blancs. Si DNN ne surcharge point ses morceaux, ne gardant que l'essentiel, le beat, pulsé ou atomisé, a été pensé et sculpté d'une main experte. Sur fond de nappes cryptées, Prusseit trace des ombres noires et blanches dont la substance et la forme dépendront de la sensibilité du récepteur. La dimension graphique et allusive est immense. Des basses lourdes, enveloppantes s'entremêlent à des airs tristes et beaux (Blue Smoke). Des mélodies contemplatives embrassent des flux rythmiques glitchés (Things Which Stay) et le piano, jamais naïf, prend des accents bouleversants. Fading Memories, The Very Thought et With Each Step sont parmi les titres les plus brillants. When Things Stop To Move s'achève sur trois remixes, et non des moindres. La relecture de A Silent Close par Bitcrush donne dans le post-rock. Elle ne me fera pas aimer la voix de Laska, même distillée avec parcimonie, mais cet entrelac de cordes et cette montée vers les sommets sont d'une ardeur époustouflante. Les interventions de Huron puis de SE, spatiale pour l'un, progressive et plus ambient pour l'autre, complètent joliment le disque.

 

DNN signe un très bel album - et quel artwork. When Things Stop To Move prendra toute sa signification lors de froids et solitaires après-midi d'hiver. A recommander (plus particulièrement) aux fans de n5md et d'Abstrakt Reflections.  

 

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par Manolito

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21 août 2011 7 21 /08 /août /2011 14:14

Sortie : août 2011

Label : Jus Like Music Records

Genre : rap instrumental électronique / wonky

Note : 6/10

 

Découvert avec Science With Reason sorti en mars dernier (et chroniqué ici), B. Lewis a choisi pour ce nouveau maxi (en téléchargement gratuit sur sa page Bandcamp avec ses précédentes productions) de s'éloigner des stricts instrumentaux rap pour aller plus loin dans l'électronique, en jouant sur le glitch et en s'inspirant plus de la scène californienne, dans un style appelé désormais wonky beats.

 

Finis donc (ou presque) le G funk ou le psyché, l'Américain fonce dans les bleeps à foison, les vrombissements nerveux et des constructions plus élaborées. Les morceaux sont toujours assez courts, mais plus riches. Dès le Plug d'ouverture, il nous montre sa volonté d'amonceler les couches avec des nappes, des voix glitchées, des claviers qui vont et viennent par vague autour d'une rythmique à l'inverse bien carrée. B. Lewis va ensuite tenter de garder la même énergie et une certaine unité dans son mélange synthétique... sans oublier des mélodies plutôt accrocheuses qui réussissent à se glisser au milieu des avalanches de sons. Outre des batteries qui tranchent, ses morceaux sont aussi marqués par des samples de voix chantées ou parlées qui ponctuent efficacement certains passages. Le ton rocailleux répété sur Lavacorn participe ainsi à l'énergie de l'extrait tandis que les choeurs sur Cancel That sont plus aériens.

Le Californien se rapproche de ses influences rap sur Code(x), dont l'intro extraite de Las Vegas Parano pose l'ambiance de ce titre aux relents de crunk sous acide. Moon Dancers et Les Saisons, qui s'enchaînent comme un seul morceau, donnent un éclairage plus ensoleillé à sa musique. Plus charmeuse et plus épurée, cette facette de sa musique est alors aussi moins sous influence 8-bit pour gagner en langueur et en sobriété.

 

B. Lewis confirme que son Science With Reason n'était pas un coup de chance et qu'il a de la ressource puisqu'il a été jusqu'ici assez prolifique. Ce Plug EP est une ouverture aboutie dans le respect de ses principes.

 

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par Tahiti Raph

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19 août 2011 5 19 /08 /août /2011 14:29

Sortie : août 2011

Label : Dynamic Tension Records

Genre : Techno

Note : 7/10

 

Quoique passablement inconnu du grand public français, l’anglais Surgeon (de son vrai nom Anthony Child) n’en est pas moins un vétéran de la techno actif depuis 1995, discret durant les années 2000, mais avec de nombreux LP de qualité variable à son actif (dont deux sur le label Tresor), un mix Fabric remarqué, quoiqu’efficace à défaut d’être brillant, et bien entendu une longue série de maxis, de collaborations, de projets parallèles et de remixes de tous poils. Cet été paraît son nouvel LP sur son propre label Dynamic Tension Records, intitulé Breaking the Frame, qui nous livre une techno classique et sombre, proche par différents aspects du son de Detroit à la fin des 90’.

 

Autant le dire, nous n’attendions pourtant pas grand-chose de Surgeon. Ces LP avaient tous des qualités indéniables, mais systématiquement contrebalancés par des défauts de mauvais goût, des morceaux faibles enchaînés à d’autres compos plus attractives. Bref, notre avis a toujours été mitigé à propos des productions de notre homme, capable du meilleur comme du pire. Premier constat : ce nouvel LP a très peu de temps faibles. Tous les morceaux ont été travaillés avec soin, et même les traditionnels interludes ambient/drone inhérents à cet exercice ne font pas sombrer dans l’ennui (Dark Matter, We are all already here, Not-two).

Le reste du disque peut se diviser en deux. D’abord une partie de techno mid-tempo, comme sur ce Transparent Radiation, ou des rythmiques denses comme du plomb et des micro-glitches discrets font monter une tension honnête sur fond de samples de cornes de brume ; ou bien avec Remover of Darkness et ses déformations successives d’arpèges aux claviers. Ou encore Presence, et ses enchevêtrements de guitares classiques martelés par un beat indus et sous-tendus par une basse grondante.

Mais c’est surtout la seconde moitié qui réjouira les fans de techno un peu nostalgiques, car le Surgeon envoie y envoie de la Detroit-tech dans le texte, d’excellente facture, rappelant les heures de gloire du label Plus 8, ou le son M-Plant de Robert Hood. Le morceau The Power of Doubt lance une locomotive rythmique en pleine vitesse sur une nappe discrète de claviers ambient, tandis que Those who do not vous rapatrie illico dans les warehouses nord-américaines avec une radicalité qui n’est pas sans rappeler les premiers sons de l’ami Jeff Mills. Mais c’est Radiance, et son départ tech tout en retenue qui achève d’enfoncer le clou, en se développant comme un grand huit, tout fait de montées et descentes permanentes, et dont les seules lignes droites sont ici des plans hard-tech rugueux à faire péter des synapses de ravers.

 

Evidemment, ça ne se cache pas, Surgeon n’invente rien avec ce Breaking the Frame, c’est le moins que l’on puisse dire. Mais ce qu’il fait ici, il le fait bien, et son LP s’écoute avec un réel plaisir, surtout, cela va sans dire, si le son de la techno de Detroit a bercé votre jeunesse.

 

http://3.bp.blogspot.com/-sX2s5Mqrqms/TidKatDxCvI/AAAAAAAAAA0/sRsmc05y4dk/s400/Surgeon%252C+Breaking+the+frame.jpg

 

par Pingouin Anonyme

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16 août 2011 2 16 /08 /août /2011 11:24

Sortie : juillet 2011

Label : Subtext

Genre : Techno autiste, monadique et vibratoire

Note : 9/10

 

Duo de Bristol composé de James Ginzburg et Paul Purgas, Emptyset sort son nouvel LP, Demiurge, sur le label local Subtext. Le premier album d’Emptyset, éponyme et daté de 2009, renversa les rares amateurs qui eurent la chance d’y jeter une oreille. Aride et sombre mais conçu avec génie, ce disque de techno pure générait un sentiment d’autisme radical qu’on ne retrouve guère qu’avec mes adorés Pom Pom, se tenant volontairement en retrait du grand public. Bref, il s’agissait d’une techno d’underground au sens noble du terme, tout en analogique et travail des textures, un joyau comme on n’en trouve trois par an à tout casser.

 

Avant ce LP, quelques maxis parurent début 2011, tournant autour du track All together lost, sur lequel Cornelius Harris d’Underground Resistance posa ses vocaux (ce morceau réapparait d’ailleurs sur le LP, moins les vocaux, et avec un nouveau titre, Point). Une série de remixes en fut tirée, réalisés entre autres par Ben Klock ou Scuba. « Emptyset » signifie en mathématiques, plus particulièrement en théorie des ensembles, l’ensemble vide (généralement noté {} ou Ø), fondamental pour un grand nombre d’axiomatiques contemporaines, puisqu’il s’agit d’un ensemble qui ne contient que lui-même, ce qui lui confère un statut exceptionnel (tout autre ensemble étant par définition et à l’infini ensemble d’ensembles supérieurs et inférieurs). Vous croyez que je m’éloigne de la musique ? Au contraire, je tente de la définir.

Autiste, ce Demiurge le demeure assurément. Mais l’état psychiatrique d’Emptyset s’est nettement dégradé. L’écoute de ce LP relève de l’épreuve physique, où chaque auditeur pourra tester son degré de résistance nerveuse à l’amplitude des fréquences basses : impression de lacération des tympans, de vibration et d’irritation corporelles, de démangeaison psychique, qui poussent parfois jusqu’à désirer l’arrêt d’un morceau, non parce qu’il est mauvais, mais qu’il vous fait du mal physiquement. Depuis leur premier disque, mixage et mastering ont fait un bond d’une année lumière, nous plongeant dans  un enfer de fréquences basses qui, s’Il n’était pas déjà mort, ferait grincer des dents Dieu Lui-même. Exceptionnelles sont les recherches sonores qui explorent et conquièrent à ce point toute la largeur du spectre des basses, régulièrement contaminés par des nappes de bruit blanc d’une rare toxicité. Demiurge est une œuvre abstraite, au sens pictural ; rien n’est figuré, tout vibre, grésille et vrombit, dans un nihilisme musical parfois proche du bruitisme, s’il n’y avait, au surplus, ces rythmiques viciées, lentes et insidieuses, dont le souffle des beats est parfois si lourd, ample et puissant qu’on se demande s’ils ne finiront par provoquer des dommages irrémédiables à notre cortex.

Leibniz, le philosophe qui inventa le concept de monade, désignant par là  l’élément premier, indivisible et singulier qui compose toute réalité complexe, avait coutume de répéter que les monades n’ont « ni portes ni fenêtres », affirmant par là qu’elle n’était qu’une pure intériorité, sans rapport à quoi que ce soit d’extérieur et d’autre que soi-même. Il en va ainsi de ce Demiurge (dont un titre s’intitule précisément Monad), dont la claustration et la fermeture sur soi sont permanents, où chaque son semble se réverbérer sur les parois d’une subjectivité absolument close sur elle-même. La radicalité de cet autisme musical rend inutile tout décorticage de la tracklist : la chose s’appréhende en bloc, d’un bout à l’autre, comme le souffle infini d’une bombe qui ne cesserait jamais de se répercuter dans le corps et l’âme.

 

Le Pingouin avance : Emptyset est aujourd’hui l’une des meilleures formations techno en activité, pour peu que l’on veuille bien conférer une réelle dignité à cette étiquette. Je salue et respecte les DJ qui parviendront à caler un morceau de ce Demiurge dans leurs sets (au Berghain ?). On a là une œuvre dont le sound-design est en avance d’au moins deux ans sur toute autre production techno. Mais son accès nécessite une prise de risque, comme un danger pour soi-même, qui les laissera sans doute dans l’anonymat. Ce n’est pas grave : je ne suis pas seul à vous avoir prévenu… et la musique avance. (Ecoute au casque à fort volume nécessaire, un matos HIFI ordinaire éliminant tout intérêt à l’œuvre.)

 

http://3.bp.blogspot.com/-CGICSqMPFWE/Tgz6lD0gU4I/AAAAAAAAPQY/zcADQZhZ49Q/s400/Emptyset_Demiurge_CD.jpg

 

par Pingouin Anonyme

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14 août 2011 7 14 /08 /août /2011 19:55

Sortie : 10 août 2011

Label : Echomania Netlabel

Genre : Industriel, Dark Ambient, IDM, Drone, Trip-hop, Rhythmic Noise

Note : 9/10

 

Se renseigner sur l'identité de celui qui se fait appeler Klaus Kinski relève de l'investigation, imposant la traduction de rares pages internet russes. Tovarisch Klaus vit à Kemerovo, Russie. Il est l'auteur d'un premier et ô combien excellent format court, In Isolation (chroniqué ici), sorti en mai dernier sur Echomania. Ce netlabel dont les activités n'ont débuté qu'il y a quelques mois, a tendance à toucher juste à chacune de ses sorties. Sorties qui, il faut le préciser, sont systématiquement gratuites. Entre la compilation Roll The Dice, le précédent Kinski et le nébuleux album de Medkit (chroniqué ici), les choix d'Eugene Mitskevitch ont prouvé leur pertinence. Ce nouvel EP aux couleurs de mini-album et au titre engageant de Scape Destructive Putrescent ne fait pas exception. Au contraire, il bat tous les records. Ce condensé d'indus, de dark ambient et de rhythmic noise est une bombe atomique, ni plus ni moins.

 

On savait Echomania porté sur les oeuvres torturées et complexes, crachant leur bile à la face de l'auditeur imprudent. En terme d'énergie malsaine, le Klaus n'est certainement pas le dernier des arrivistes. In Isolation avait démontré des capacités surprenantes à infecter et à.. putréfier le beat. Les coupures brutales, les injections d'ambient létal et cette forme de trip-hop industriel dégageaient quelque chose d'addictif et de foncièrement original. Vous aurez peut-être compris à cette heure-ci, que Scape Destructive Putrescent, non content de se distinguer de son prédécesseur, s'avère encore meilleur. C'est simple, cet album ne ferait pas tâche dans les catalogues d'Ad Noiseam ou d'Ant-Zen. Le temps de neuf courtes pistes, l'homme construit des édifices aux ambiances glaçantes. Terreur baroque et saccage rythmique décrivent des danses funestes d'une rare superbe. Se livrer à l'écoute de ce disque seul, la nuit, dans un petit village isolé, est un coup à croire à des silhouettes de mercenaires encagoulés tapies derrière le moindre bosquet. Les drones crissent et serpentent, à la manière de courants d'air porteurs de bruits anormaux, et certaines introductions faites de notes aigrelettes (Baby, Artificial Life) évoquent les films d'épouvantes du milieu du siècle. Mais le coup de maître de Klaus Kinski reste la mixture de genres qu'il opère, ainsi que cette amicale obsession de vous décaper le cerveau. Je n'ai beau être que peu friande de rhythmic noise, c'est pourtant l'injection irrégulière de ces phases violemment débridées qui sublime l'album. Alors que les fumigènes ont noyé l'espace et que des bêtes inconnues se font les griffes sur des plaques de métal, l'apparition de tonnerres rythmiques provoque des états oscillant entre la paralysie et l'extase. Mais le Russe sait de même rendre terrassants de puissance des beats downtempo, proches du hip-hop ou, usant de dark ambient, filer autour de vous les plus effrayantes chrysalides. Peut-être la confidentialité du personnage le rend-elle encore plus fascinant. Les titres de ses tracks ont en tout cas, un effet similaire. Les bribes de chanson audibles à la fin de Charles Manson Mein Bester Freund appartiennent-elles à une des oeuvres mégalos du gourou de La Famille ? Pourquoi Destructive, clôture dédié à la poète russe Anna Achmatova est-elle la seule pièce lumineuse et.. humaine de l'album ? Existe-t-il un lien avec le fait que l'artiste habite la petite ville dans laquelle celle que l'on appelait l'Âme de l'Âge d'Argent est enterrée ?

 

Scape Destructive Putrescent se classera probablement dans les meilleurs albums d'IDM/indus de 2011. Mais pour l'instant, que des oeuvres telles que celle-ci restent dans l'ombre apparait comme une calamité. L'insaisissable Klaus Kinski a décidément quelque chose contre le monde pour faire preuve d'autant de rage magnifique. S'en abreuver nécessite simplement de faire un tour par le site d'Echomania, où l'oeuvre est livrée gratuitement. Le retour indemne n'étant pas garanti.  

 

scape destructive putrescent art 400x400

par Manolito

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12 août 2011 5 12 /08 /août /2011 17:44

 

Sortie : juin 2011

Label : Tympanik Audio

Genre : Remixes, IDM, Ambient, Field Recordings

Note : 7,5/10

 

Dirk Geiger... Son Autumn Fields semble presque loin tant l'homme ne s'arrête jamais. Membre du duo Kraftmaschine, et fondateur de Raumklang Music, cette tête chercheuse originaire du sud de l'Allemagne a fait de son label une référence en matière d'IDM et de dark electronics, en produisant les travaux d'individus tels que Klangstabil, Tapage, Hotaru Bay ou arMuta. Création intense et sensible, Autumn Fields (chroniqué ici), sorti l'année dernière sur l'incontournable Tympanik, avait marqué les esprits. L'écurie de Chicago sort cette fois-ci Second Life, version revisitée par le fleuron de la maison, Subheim, Anklebiter, Candle Nine, Tapage, SE, quelques passionnants personnages tels que Pleq ou Ahnst Anders et d'autres noms plus confidentiels. Dirk sait s'entourer et le résultat ne se fait pas attendre.

 

Les albums de remixes d'Anklebiter et d'Architect ayant récemment été décortiqués (ici et ici), il faut avouer que le concept n'est pas, de par chez nous, l'ultime tasse de thé. Question de cohérence ou principe même du remix, c'est au choix. Il n'empêche que ces disques doivent être envisagés pour ce qu'ils sont, des collections de titres qui peuvent aussi bien décevoir que caresser l'excellence. L'avantage avec ceux qui se sont attachés à repenser la musique de Dirk Geiger, c'est qu'ils en développent l'aspect pondéré et rampant. Une sphère downtempo donc, autour de laquelle tous évoluent et poussent vers des horizons plus noirs, plus terribles ou plus lyriques. Almaach et SE, qui ouvrent Second Life, plongent vers l'ambient. Dark pour le premier, avec un Night In Haskovo abandonnant toute mélodie au profit de lueur diffuses, tandis que Sebastien Ehmke déploie de lointains choeurs et use de la gracilité des cordes pour un très beau Minus10. Les cinq qui s'ensuivent alors rendent une copie admirable. Tapage fait oeuvre de son habituel talent à froisser et à liquéfier le beat. Midimode, poulains du sieur Geiger, allient des plafonds délicats et carillonnants à des rythmiques en cisaille non dénuées d'un certain groove – fait rare dans ce genre de sons. Mais c'est surtout le trio de titres livrés par Anklebiter, Subheim et Candle Nine qui fait figure d'indispensable. Les basses lourdes, les arpèges crénelés et la progression d'une intensité confondante du Winter Senses par Tanner Volz commencent par réduire sévèrement notre souffle. Puis Subheim offre un bijou épique, cavalcade martiale et concrète, hantée et.. sublime. Noise Format perd sa parure noisy pour un parfum d'aventures spectrales. Quant au Halogen Light mix de Night In Haskovo, il atteste du sens du romantisme noirâtre et du découpage rythmique que l'on connait à Candle Nine. Une beauté. La faille de Second Life se trouve dans sa deuxième moitié, un brin moins passionnante, et dans l'accumulation de remixes d'un même titre, Autumn Life. Et encore que les relectures d'Archos, de Pleq et d'Ahnst Anders apportent leur quotient de visions pertinentes. L'association de kicks binaires et d'envolées lyrique sur le Overhead Projection d'Autoclav1.1 moins, et encore que.

 

Dire que ce lot de remixes apporte une seconde jeunesse aux titres qui constituaient Autumn Fields serait un chouia élémentaire. Il contient néanmoins de vraies perles, qui à elles seules méritent le détour par pour se procurer cette sortie digitale et gratuite. Les fans du genre ne devraient pas avoir à y perdre.

 

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par Manolito

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