Sortie : mars 2010
Label : Planet Mu
Genre : Dubstep, Industriel
Note : 9/10
Dans la vraie vie, Roly Porter et Jamie Teasdale sont certainement de charmants garçons. Mais une fois dissimulés sous le pseudonyme de Vex’d – devenant l’un Jamie Vex’d, l’autre Roly Vex’d – on peut se poser quelques légitimes questions sur leur bien-être mental. Hébergés sur Planet Mu depuis leur premier et bien nommé album Degenerate en 2005, ils se séparent peu après afin de poursuivre des carrières solos, et reviennent avec ce deuxième album, qui émerge d’une gestation de presque quatre ans.
Et cela se sent. L’auditeur, sur ses gardes, arpente Cloud Seed avec la même prudence que s’il s’aventurait, plus vulnérable qu’un nourrisson, sur des terres déchiquetées et menaçantes. Rien ne laisse jamais présager ce qui va suivre, vous pouvez tant trébucher sur un break rauque que vous laisser envelopper dans de perfides échos, qui vous éjectent ensuite à coup de violentes décharges synthétiques. La maturité et la maîtrise qui transpire de Cloud Seed sont tout bonnement édifiantes. Jamie et Roly ont tout balayé, tout dégagé, pour dresser leur scène de fin des temps, au milieu des câbles, de la poussière et du béton. Les sonorités industrielles prédominent et s’épanouissent vicieusement dans la musique de Vex’d, tandis qu’ils font du dubstep une matière collante et fiévreuse, qu’ils étirent et malaxent d’une poigne d’airain. Souvent lourds et alanguis, jamais similaires, les rythmes se chargent de multiples résonnances, qui leurs donnent presque vie. On est face à d’invisibles androïdes, qui vous encerclent et vous frôlent de leurs feulements électroniques.
Un semblant de chaleur vient malgré tout des voix, plutôt nombreuses sur le disque. Warrior Queen, Jest ou Anneka éclaboussent ainsi les beats de leurs débits singuliers. Le chant d‘Anneka - décidemment prisé des dubsteppers - irradie littéralement sur Heart Space, évoquant un dernier lambeau d’innocence qui perdurerait au sein de la dévastation la plus déshumanisée. Un chaos qui pourrait toucher à son comble sur Remains Of The Day, lorsqu’il ne reste que les salves d’une mitraillette poisseuse pour se noyer dans de sublimes nappes de brume. Mais c’est sur la fin que Jamie et Roly assènent leur ultime coup. Le calme et inquiétant Oceans prépare sadiquement l’oreille au dernier assaut : Nails, pièce d'indus presque breakcore, qui inflige une suprême déflagration.
Sur Cloud Seed, les frères Vex’d se font particulièrement exigeants, l’album, retors, ne se laisse pas aisément apprivoisé, et chaque écoute dévoile un peu plus les dessous de leur expérimentation malade. A l’image de sa superbe pochette, Cloud Seed dresse vers le ciel un noir conglomérat sonore. Entre dark ambient, indus et dubstep, ce grain de nuage a plus de propriétés létales qu’un violent psychotrope. A vous de tenter.
par Manolito