Sortie : février 2011
Label : autoproduit
Genre : Rock Indé
Note : 4,5/10
Outre le fait de vouloir battre un record de connexions venues des sphères indés, pourquoi diable Chroniques électroniques pourrait bien publier une missive à propos du dernier album de Radiohead ? Peut-être parce qu'ils utilisent des softwares et que l'électronique prend de plus en plus de place dans leurs réalisations depuis Kid A. Non, même pas. Ah Radiohead... ce groupe qu'on aime tellement adorer ou détester. Avant tout parce que nul n'aurait parier sur une telle trajectoire. Comment Pablo Honey et The Bends, modèles types de pop adulée sainte et de rock adolescent, avaient bien pu générer ce qui deviendra un gigantesque succès critique et commercial : OK Computer. Grâce à ce dernier, toute une génération de jeunes se souvient de la (trop) furtive perte de son pucelage lors des premières notes de Karma Police. Oubliant presque quelles réussites furent Paranoid Android, Electioneering ou No Surprises. Vinrent ensuite les chefs d'oeuvres Kid A et Amnesiac, diptyque expérimental entièrement réalisé avec l'aide des ordinateurs qui permit à beaucoup de gens de s'ouvrir à de nouveaux horizons musicaux. Encore aujourd'hui, Idioteque, The National Anthem, Everything In Its Right Place ou Like Spinning Plates demeurent des chefs d'oeuvre et ne semblent pas souffrir d'une quelconque érosion. Hail To The Thief, sorti dans un contexte politico-écologico-social plus que propice, réconcilia dans leur grande majorité les fans de la première heure et ceux qui avaient découvert le groupe grâce au diptyque cité plus haut. 2+2=5, Where I End And You Begin et There There sont malheureusement les dernières grandes chansons du groupe. Car le bleepien 15 Steps, le tubesque Jigsaw Falling Into Place et Bodysnatchers (titre où la guitare d'Ed O'Brien se rappelle à notre bon mais plus que lointain souvenir) sont tout ce qu'il y a à retenir du sirupeux et terriblement trop mainstream In Rainbows. Il n'y a donc plus que les fans intégristes et les "haters" patentés du groupe pour béatifier ou descendre en flèche ce nouveau disque, The King Of Limbs, sorti un jour plus tôt que la sortie officielle, annoncée elle-même il y a moins de dix jours, parce que les gens qui dirigent les labels et l'industrie du disque en général sont des méchants pas beaux.
Pour apprécier The King Of Limbs à sa juste valeur, il faut faire partie de ceux qui ont toujours supporté que Thom Yorke chiale sa mère, et cela pas seulement parce qu'il est roux. Il faut aussi aimer les ballades mièvres au piano, les faces B mal branlées d'In Rainbows et les roucoulements aigus d'un éternel enfant qui n'est jamais complètement sorti de son autisme. La stupeur et l'angoisse m'atteignent au moment où j'écris ces nobles lignes. Mon introduction va-t-elle être plus longue que mon exposé du contenu ? The King Of Limbs est tellement plat, tellement mièvre et si incohérent dans sa conception qu'il est difficile d'en ressortir quelque chose, si ce n'est un écrasant sentiment d'indifférence. La théorie de la nécessité des nombreuses écoutes pour saisir toute la substance est ici caduque, voire inutile. Pourtant, l'ouverture sur Bloom laissait présager du meilleur. Jouant sur les échos, la répétition d'une rythmique jazz de batterie et les enveloppes oniriques et enivrantes des claviers, ce joyeux bordel sonore associé à la subtile (oui, des fois) complainte de Yorke a tout d'une réussite et pourrait se révéler bluffante en live. Tiens, une gratte apparaît sur Morning Mr Magpie et c'est tout ce qu'on retiendra en plus des vives mais trop gentilles prières du rouquin, demandant à celui qui a tout pris de tout rendre. On va essayer d'oublier au plus vite Little By Little, où les cordes souhaiteraient bien être nâtives de Bayou La Batre mais résonnent trop semblablement comme les pires d'In Rainbows. Quelque chose de divinement bleepien s'introduit dès les premières mesures de Feral, la rythmique est tout de suite plus aboutie. La voix, spectralement mise en avant, se joue de l'auditeur avec ses fausses pistes et ses intrigues de cathédrale. La basse assomme et enrobe ce cadavre exquis, qui se révèle comme le morceau le plus riche et le plus élaboré de l'album. Sur la blogosphère pullule déjà une supposée influence de Burial pour ce morceau. Comme si dès qu'on utilise les voix de manière fantomatique et qu'on les associe à une rythmique syncopée, il fallait qualifier ça de Burialien... bref passons. Lotus Flower, premier clip balancé sur Youtube (où Yorke se dandine comme un ver de terre sous lexomil), épuise autant qu'il agace, mais pas autant que les profondément ennuyeux, gémiards et ratés Codex et Give Up The Ghost. Nous y voilà, le fameux moment des ballades pour fans de Coldplay (le talent en plus) dans le déni, preuve qui atteste plus que jamais de la bonoification de Thom et de sa troupe. "Allez les gars, maintenant on va faire pleurer les stades !!!!". Penchons nous maintenant sur le titre Separator, celui qui pourrait laisser penser que cet album n'a pas encore livré sa version intégrale. Il y a là encore cette intéressante utilisation des drums (c'est assez omniprésent dans l'album, ça, il faut l'avouer) et aussi une ligne de basse qui aurait dû jouir de l'aide d'une meilleure évolution mélodique et de surtout... moins de pleurs et de gémissements. On me répondra légitimement que les pleurs aigus et les gémissements de Yorke ne datent pas d'hier, mais jusque là les capacités et l'investissement vocal était au rendez-vous, ce qui permettait de faire passer les suppos plus facilement.
Pour bien appréhender ce nouvel album, il faut avant tout prendre du recul vis à vis de sa passion dévorante ou de sa répulsion profonde envers le groupe. Et donc objectivement admettre que Radiohead n'est ici plus que l'ombre de ce qu'il fut. Même les plus beaux diamants subissent les cruels mais logiques outrages du temps. The King Of Limbs est un disque anecdotique qui ne peut laisser qu'indifférent. Et cela même si je l'avoue, l'objectivité est souvent dans mes lignes accompagnée d'une forte dose de mauvaise foi et d'absence de compromis.
par Ed Loxapac