Sortie : 28 Février 2012
Label : Scissor and Thread
Genre : Deep-house
Note : 9/10
L’ondulation des corps est une constante incessible du Leland de Francis Harris. Pris dans un mouvement régulier, vous vous abandonnez et n’avez plus qu’à vous faufiler, telle une anguille, entre les instrumentations jazz et la douce volupté d’une basse bienveillante.
Francis Harris surprend avec ce nouveau projet, lui qu’on a connu plus instantané lorsqu’il officiait sous l’entité d’Adultnapper. L’américain a décidé de mettre du Lexomil dans ses productions afin de mieux manipuler l’auditeur friand d’une deep-house racée.
Leland doit s’appréhender avec paresse tout en laissant tous vos sens à l’affut. La sieste éveillée durera près de 80 minutes, mais il y a fort à parier que vous déciderez de la prolonger. Le principe est simple : une dynamique deep-house, des élucubrations jazz, une voix relaxante. Mais les apparences sont trompeuses. N’y voir qu’un disque de deep-house lounge serait injuste, si ce n’est méprisant.
Leland respire à chaque instant, prend son temps pour installer son ambiance oisive. Dès Pensum, on saisit la teneur du propos de Francis Harris. Il est question de non-agression dans cette deep-house jazz aux relents dub. La trompette, en mode sourdine, devient un antalgique insidieux. Vous ne vous contentez plus d’écouter, désormais, vous ressentez, vous vibrez et vous succombez lorsqu’advient l’extrême onctuosité de ces Living Lips, portées par un piano lointain et un violoncelle résigné. De même, le corps est traversé par la neurasthénie d’Of The Field, ode à une évanescence tutélaire.
Toute l’alchimie de l’album réside dans cette dualité parfaitement domestiquée entre la présence électronique et l’utilisation d’instruments live. L’instabilité n’a pas lieu d’être, tout semble parfaitement s’emboiter. La dynamique jazz rappelle ce cool trop souvent oublié quand il n’est pas pressuré. Chez Francis Harris, il est uniquement question de retenue et d’effacement, de maîtrise désintéressée et désinvolte.
Je passe sous silence les remarquables plages d’électronica-pop, portées par la voix bienveillante de la danoise Gry Bagøien, et utilisant avec parcimonie et justesse le field-recording pour aboutir à des écrins de subtilité. Une sensibilité à fleur de peau s’échappe de ces chansons intemporelles, venant directement vous foudroyer en plein vol. Car s’il y a bien une ossature permettant de rendre Leland homogène, elle s’observe au-delà de la simple musicalité mais plutôt du côté de l’émotivité. Leland c’est du spleen sous perfusion, du romantisme doux-amer.
Remarquable de retenue, Leland est un sublime album de deep-house. Tel un manifeste de la paresse, l’album s’écoute inlassablement, dans le seul but de prolonger votre léthargie. La résonnance s’installe alors définitivement en vous, pour ne plus jamais vous lâcher.
par B2B