Sortie : avril 2012
Label : Denovali
Genre : Ambient, Jazz
Note : 9/10
Un soir d'hiver 2008, je tombais sur l'intriguant artwork du premier opus de Bersarin Quartett. Donc bien avant que Denovali ne décide de le rééditer. Le label Lidar avait déjà sorti préalablement un opus de Jasper TX. Il n'en fallut pas plus pour m'encourager à me procurer l'album le plus rapidement possible. Il y a des albums comme ça qui terrassent. Qui ne laisse aucune chance à l'auditeur. Qui le pousse à savoir absolument qui se cache derrière ce fameux Quartett. La surprise est d'autant plus grande lorsqu'on apprend que seul un homme se cache derrière ce projet : l'allemand Thomas Bücker. On savait déjà depuis longtemps qu'on peut faire des trucs magiques avec les softwares et les plug-in. Mais donner une telle couleur à l'acoustique. Rendre un ensemble aussi orchestral armé d'un simple laptop, ça non. Vous aurez d'ores et déjà compris que Bersarin Quartett a conçu un album magnifique, que les plus connus Cinematic Orchestra n'auraient même pas pu imaginer, même avec la plus grande volonté du monde. Quand Denovali annonça la sortie d'un deuxième album, je me suis immédiatement repassé Oktober et Mehr Als Alles Andere, ouverture et dénouement d'un objet musical non identifié. Un véritable chef d'oeuvre des années 2000. Les premières écoutes de II s'envisagent donc avec l'émotion d'un enfant déballant ses cadeaux, avec l'excitation unique et naïve de celui qui ne sait pas ce qu'il va trouver.
Des bourrasques stellaires de l'introduction de Niemals Zurück émergent ce glitch, ce beat, ces quelques fragments de batteries insaisissables qu'on s'était déjà pris dans la gueule il y a plus de trois ans. Cette inexplicable impression que cette musique fut conçue en dehors du monde des hommes. Puis vient la désarmante approche onirique poussée à son paroxysme, qui fait du son de Bersarin Quartett un joyau idéal pour des écoutes domestiques et solitaires. L'étiquetage ou la dénomination résonne ici encore plus vaine que d'habitude. Le jazz, comme le post-rock, ne sont ici que pour former une entité ambient propre.
Comment ne pas succomber à cet aspect si limpide et à la fois si "heavy", quand il révèle tant de romantisme feutré, d'équilibre fragile entre violence subtilement contenue et volupté candide ? Der Mond, Der Schnee und Du et Im Lichte Des Anderen sont probablement les exemple les plus parlants. Les vents et les crins semblent étouffés par les nappes mais profitent d'arrangements très particuliers, qui renforcent ce jalousé mystère autour du travail de composition de l'allemand. Cette impression d'osciller entre terre et ciel trouvera son apogée sur le merveilleux Einsam Wandeln Still Im Sternensaal, dont les crins rappellent étrangement le Sarà Per Voi de Teho Teardo. Un malin, Dieu, qui nous a ouvert l'espace sans nous donner des ailes... Voilà ce qu'on peut penser à l'écoute du vertigineux Im Glanze Der Kometen. Mais parce que le rythme est dans le temps ce que la symétrie est dans l'espace, Alles Ist Ein Wunder libère le glitch et de trop longtemps captives rythmiques. L'étrange et inquiétant Rot und Schwarz connait même une furtive échappée techno aussi filandreuse qu'étouffée.
Je n'ai pas peur qu'ici et maintenant, se dévoilent le caractère excessif de mes rêves. Voilà ce que semblent dirent les trois derniers titres, d'où s'échappent des effluves de repos d'après big bang ou des secrets de la création du monde.
Bersarin Quartett réalise le tour de force de donner une suite équilibrée et cohérente à son chef d'oeuvre éponyme. Si II impressionne dès les premières écoutes, il révélera dans le temps des contours nouveaux à chaque fois plus évocateurs en fonction du contexte d'écoute. Voici donc une musique hybride et inclassable, qui ravira les aventuriers de tout bord. Il paraît que Brücker sait aussi s'accompagner de trois compères lors des lives, de quoi fournir des rêves fous, dignes des aspects les plus stoner de Bohren und der Club Of Gore.
par Ed Loxapac